POÉSIE 19e Qu'est-ce que le Cercle Zutique ? (France Culture, 2001)
Lémission des « Chemins de la connaissance », par Mathieu Bénézet, diffusée le 6 mars 2001 sur France Culture. Invité : Jean-Didier Wagneur et Michel Golfier.
J'aimerais qu'un enfant habite mon malheur.
Dans – un délaissement – secondes – les roses –
dans – un délaissement –
secondes – les roses –
de mourir – imprégnées – de pluie –
humaine – âme –
sur toute femme – ô pleurer –
à nos ceintures – sont passées –
des fleurs – et les mots –
se soulèvent – d’un rêve –
si dire une chose est sensé…
si dire une chose est sensé quel est le sens
de l'étranger rythmique quelle est
l'énigme des grandes taches de sueur
quand fleurissaient les marbres jaunes
liens logarithmiques flotte cette image
ordinaire et d'elle en silence
luise Louise une lumière
ô buée du verre lentement à notre cercle
secrètement sainte
elle te parle secrètement sensée
miroir
du même
instant
mésanges mouettes mésanges orph
elines est-ce vivre mais quelle histoire à suivre
les ailes d'anges douces-amères des pleurs collent
l'âme sur les lèvres ô clapotis des rencontres
un pardon marque l'humain au flanc creusé
ô navire murmurant pour les âmes secondes
les yeux redisent un fragile savoir dans de vagues
jouets je vis un simulacre de larmes au front
richesse ancienne de la rumeur d'une peine mais
à la prochaine heure sera une autre peine
sera un autre cri et une larve du vide
comme un séjour dans le cercle j'ai demandé le
souvenir et c'est plein de mutismes tout peut être
éloigné par le vent en un cœur errant
esi-ce mourir quand on arrache l'ombre d'un visage
dans une rue d'où émane un gaz automnal
est-ce mourir au-dessus des tombes des enfants
il est une barque blanche dans la nuit sainte qui vogue
deux petites ailes, Madame
Mais le pigeon, Madame, est un animal domestique
et les arbres, Madame, pour qui sait les peigner
sont des amis feuillus, et les anges, Madame,
se croquent avec le thé, at five o’ clock, et vos
yeux, Madame, si j’en parlais un peu. Mais
votre main, Madame, m’a confié un secret :
vous avez deux petites ailes en papier celluloïd
que vous mettez, parfois, pour sortir le Dimanche.
(inspiré d’un tableau)
MONTICULE :
par-dessus (le remblai
coiffé en brosse) l'horizon
s'élargit
« une bâtisse dans le lointain »
pas
d'arbre
yeux des morts ah yeux brisés chanson des yeux brisés
repose voix de sœur qui doucement chut en neige de
signes
ombres des noyés
ils n'ont plus de vêtements diurnes sur le chemin de
vieux
jardins de vieux mouchoirs ferment leurs bouches
et ma solitude fit un pas dit Rilke et plus
encore avec la longue corniche des années chaque
jour sur les yeux d'enfants s'abattent des éclats d'obus
viens ai-je murmuré toi qui sembles étouffer quelqu'un
ô poignée d'ombre moi seul ne peux t'oublier j'ai
appris
à reconnaître les pleurs d'un enfant parmi tous les autres
quand bien même ils pleurent tous ensemble quand
bien même
nous pleurons tous ensemble j'entends une différence
de solitude ah c'est une fin profonde en soi ô moi que
je crie
fleurs que je cueillis quelque pierre qui me blesse encore
en moi est le goût du sang comme on a le goût du
gouffre
mes bras fous ô ma tête existe-t-il un chant qui ne soit
pas
chant de la mort des enfants existe-t-il une prière
qui ne soit pas une barque vide est-ce là le goût exact
de la chose terre écoute tout fut massacré jusqu'à l'au-
delà
de la mer une immense fosse qu'emplissent des papiers
froissés
…
(extrait)
longues longues les années mouillées de vent
je touchais la dernière berge la dernière bouche
bouches seules comme le miracle de l'origine
imbibées de sève et de ciel voix dans la chapelle
un dieu reposait derrière la lourde porte labourait
le jour ô cicatrices je viens pour m'arrêter
sur des sables adorés parmi des visages reconnus
dévoration des derniers dieux chancelants
de la Crète deux bouches et deux tombeaux
je viens pour alléger la mémoire d'une morte
sables qui forment les sables ô nuit qui laves
l'âme infinie tels qu'épaule contre épaule nous
nous éveillons en de si vieux vaisseaux
pauvre cœur chagrin baigné de pluie ainsi
les choses infinies furent et au creux d'un mur
vois je mets nues mes mains sur des trombes humaines
univers en son abîme si proche des pavots noirs
où je crie sont dieux plus nombreux que dans l'histoire
ce sont les pas du soir dans la plus grande église désert
des hommes ô berge où je repris ma marche
peux-tu me reconnaître sous l'averse ah je disais…
Tu es là…
Ô mélange si profond des bras dans le
poème, syllabes miroitantes au bout
de la jetée, gouffre du sommeil Une tête se
penche sous l’orage, où tu remues la bouche
Comme si je fermais les yeux vers toi Roses
dans la petite gare À présent le train
est sombre, dis-tu Mélange si profond des bras et
du poème Ô lumière des fruits Je rêve
contre l’épaule incréée du poème Âme
du sommeil dans ce chenal Quelle parcelle
de murmure est à la proue ? Tu es là
MONTICULE :
épar
ferme la
bouche
la porte
claquant
(la tache
des mots
verts)
l'hiver
souffle
avec des
doigts qui
cassent
vert
(masure
et pâture)
la voix
contre la vitre
qui se charge de
noir