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Le complexe JJG

Fabrice Uras a douze ans quand, par hasard, il découvre Jean-Jacques Goldman en regardant une émission de variétés avec ses parents. C'est le coup de foudre immédiat, qu'il ne sait pas expliquer d'ailleurs. C'est à peine s'il comprend les paroles de la chanson. Il sait juste qu'il aime, que c'est beau, plus élevé que la variété française traditionnelle. C'est ainsi que tout commence, à douze ans, précisément l'âge que j'avais, moi, quand j'ai découvert le même artiste. Il a d'abord entendu « Un matin » quand moi, je me suis laissé happer par « La vie par procuration ». La suite est la même pour nous deux : il achète logiquement le premier album, y découvre « Comme toi ». Goldman lui aura étrangement donné envie de s'intéresser à la Shoah à un âge où les professeurs n'en n'ont guère encore parlé. Quant à moi, j'ai commencé par « Entre gris clair et gris foncé ». On ne renonce pas facilement à ses premières amours. Presque trente ans après, cet album reste parmi mes préférés.



Et puis soudain le choc, pour lui comme pour moi : « Envole-moi ». L'affranchissement par les livres, l'idée de quitter l'ignorance par l'effort. Goldman ne fut pas, pour qui a su l'écouter, un chanteur de variété mais un incitateur, un ouvreur du champ des possibilités pour esprits libres.



Avec le deuxième album, Uras découvre l'écoute en boucle, pratique qui n'existe plus chez les adolescents d'aujourd'hui. Un album valait cher, alors on le savourait, on l'écoutait en entier. Si on élisait un titre, on n'en négligeait pas tout à fait les autres, ou bien pour un temps seulement, et l'on y revenait. De quoi saisir toute les subtilités et particularités de chaque morceau, de quoi réfléchir longuement sur une seule phrase, une seule expression.



Goldman, c'est aussi ce type mal à l'aise et simplement habillé, discret voire timide, fuyant la presse et incapable de poser correctement pour la couverture de son propre disque. Pas un homme d'image, assurément non. Le charisme ? Il l'aura plus tard, mais pas pour l'heure. C'est un type simple et sobre qui voulait juste faire de la musique et écrire des chansons. Pas de vagues, pas d'alcool, pas de drogues. Un mélange de gendre idéal et de castrat empoté. Un asocial peut-être, un inadapté. Même pas beau, objectivement. Et avec une voix qui monte si faux dans les aigus qu'il n'est pas même viril. Ses premiers clips aussi sont à chier. Il a choisi un ami d'enfance comme réalisateur, et c'est digne d'un amateurisme naïf. Et puis, Goldman, le Goldman de l'époque, c'est aussi l'idole des pré-adolescentes et des décérébrés. Sans doute pas le genre de public capable d'apprécier ses textes, mais c'était ainsi. Voilà comment aimer Goldman était comme souffrir d'une maladie honteuse, chose que moi, née dix ans après l'auteur, je n'ai pas tant connue, il me semble, du moins pas dans les mêmes proportions. Il y eut quelques fois où mon admiration pour Goldman m'a quelque peu embarrassée. Auprès d'aficionados de « vraie » musique, sans doute. Des puristes de rock qui regardent les non-initiés avec une condescendance conne. Je songe notamment à une réflexion désagréable, plutôt humiliante, que m'a faite un jour mon maitre de stage -et quel maitre de stage : Bruno Letort – me voyant débarquer dans les bureaux de Radio France avec mon « Danse avec les pieds » dans la main.



Goldman, lui, et malgré les visions des Nostradamus du top 50, ne renonce pas. Il prône en chanson son refus du commun, refuse de céder à la facilité du laisser-aller ambiant. Quel maître à penser peut trouver un collégien à qui l'on ne fait lire que des Molière et qui n'a ni l'âge ni la maturité d'accéder à des œuvres philosophiques ? Goldman pallie, il conseille d'agir, de se bouger, d'avancer, de s'élever. Et avec lui, Uras peut hurler son dépit face aux bonnes manières, aux convenances, à la morale.



Et pourtant, pourtant, la presse se rit encore et toujours de lui, le diminue, le ridiculise. C'est presque un acharnement, un lynchage redoutable. Selon les journalistes, il atteint le degré zéro de la chanson française. Songez aux tubes des années 80... et Goldman en aurait atteint de degré zéro ? Les copains d'Uras aussi le raillent. Et lui manque d'assurance pour revendiquer ses goûts. Il a honte, mesure sa différence et se dissimule. Aimer Goldman est un travers, une difformité, qui exclut automatiquement d'un groupe. Aimer Goldman, c'est comme avouer une féminité, une grande faiblesse.



Fabrice Uras ne parle pas que de Goldman dans son livre. Il y évoque largement les années 80, la vie en banlieue, et aussi les « intellectuels de pacotille », la fin des idéologies et par extension... le déclin. Il écoute aussi ce qu'il nomme individualisme, qui correspond en réalité à la soif d'argent et de confort, valeurs nouvelles qui remplacent sans scrupules le mérite. Il dénonce les grotesques de l'époque, convaincus d'appartenir à l'élite intellectuelle du pays et cependant tout pitoyables. Il évoque la modernité, cette modernité où n'importe quel sot peut s'autoproclamer élite, en tout et n'importe quoi. Il propose de redonner à ce mot, élite, sa valeur originelle, celle qui renvoie aux plus dignes, aux élus, aux remarquables. D'ailleurs, il dénonce la banalisation du qualificatif « génial », qui n'est plus l'apanage de Mozart ou de Balzac, mais qui s'applique à n'importe quel joueur de football. Le monde a perdu le sens commun, la mesure, et toute capacité de discernement. Uras est drôle parfois, expliquant comme il a dû ingurgiter « trois ou quatre Balzac et deux Zola » comme antidote au Nouveau Roman qu'il venait de lire. Et par là même il se rend légitime d'une certaine manière : il affiche encore une fois sa capacité à élire.



Goldman, c'est aussi un fonds de commerce, une affaire rentable notamment pour la presse féminine, qui vend à tout de bras quand il fait la couverture. Pour les adolescentes des années 80, sa tenue sobre devient un . Les filles s'évanouissent durant les concerts et hurlent son nom comme des hystériques. Seulement, être lucratif et populaire ne l'a pas aidé. Ce n'est pas exactement une marque de génie, bien au contraire. Et c'est sans doute ce qui lui fera le plus de tort : le succès. Seul un poète maudit, un artiste incompris et boudé, peut prétendre au statut de supérieur. Lui, il est populaire, avec tout ce que terme comporte de péjoratif. Populaire comme le football ou Claude François. Plus tard, la machine à fric fera couler de l'encre. Le « système Goldman » basé sur les royalties tout en méprisant la presse agace. C'est du jamais vu en France. Mais doit-on reprocher à un homme de toucher l'argent qui lui est légalement dû ? Néanmoins, Goldman vit de son travail, non de son image. Les t-shirts à son effigie et tous ces produits dérivés que d'autres vendent, très peu pour lui. Jamais non plus il ne sera l'égérie d'une marque dans un spot publicitaire qui en ridicule d'autres, affaire de décence.



Fabrice Uras ne peut se définir seulement comme un fan de Goldman. Il n'est encore qu'adolescent quand Baudelaire le saisit à la gorge, comme lui-même a saisi de loin la portée de certains vers. Il se souvient de la façon dont le poète l'a fasciné, envoûté. Il élit un peu plus tard, au lycée, Maupassant, Zola et même Schopenhauer. Et c'est moins anecdotique qu'il n'y parait. Il démontre ainsi qu'il a su, à l'âge où il a aimé Goldman, élire des poètes et savoir reconnaître ce qui était de la littérature et ce qui n'en n'était pas. Je note au passage comme un collégien de quatorze ans était capable, dans les années 80, d'un début d'élévation. Je n'en dirai pas plus, ayant déjà largement épuisé ce thème de la décadence.



Et Goldman chante, cette même année, un hymne à la solitude, paradoxe pour ce type que l'on voit désormais partout. Le parolier rend gaie la solitude, en des rimes suffisantes. Soudain, les filles le trouvent beau mais Goldman, sans être modeste, est lucidement hermétique aux compliments injustifiés. Il veut certes être admiré, sinon pourquoi continuer d'écrire et de chanter ? Mais il veut l'être pour son travail. Il déclare qu'il vit la vie « la plus bête du monde », étant objet d'idolâtries aveugles, ayant un petit monde à ses pieds, mais pour de bien mauvaises raisons. La machine est cependant bien huilée, et Goldman enchaîne les albums. Quatre en cinq ans. Et le gentil Goldman se dévoile soudain, enfin. Il s'insurge en direct, dénonce le peu d'engagement philosophique que l'on trouve dans la chanson française. Est-ce vraiment lui, le degré zéro, quand même de prétendus ténors refusent de chanter ne serait-ce que le moindre simulacre d'une opinion ?



Et Uras entre en religion, non seul mais avec sa première petite amie. Et cette évocation m'attendrît en ce que j'ai vécu strictement la même chose. J'avais choisi un amoureux qui aimait Goldman, et nous l'adorions de concert. Voilà pourquoi il m'est difficile d'être très objective avec ce livre : l'adolescent Uras ressemble à l'adolescente que j'étais dans cette « connivence béate ».



Quant à Goldman, lui, il poursuit son ascension et signe un titre dans lequel il désacralise les liens du sang au profit de valeurs communes. Vient le double album. Uras est en fac. Goldman envoie valser les discours misérabilistes et prône l'effort comme solution à tout. Et ce brusque revirement : il est soudain pris au sérieux par des critiques prétendus dignes et reconnus, ainsi que par la presse qui suit le mouvement. Goldman, le chanteur pour midinettes, le proscrit, devient une sorte de modèle, un sage. Plus de dégoût, plus de rage, mais un début d'admiration, ou du moins une reconnaissance. Le Point lui consacre un long article. Et tout le monde retourne sa veste, et c'est à peine une hypocrisie en vérité. Le français cultive l'oubli comme un art. Ses détracteurs ont réellement oublié comme ils l'avaient lynché quelques années plus tôt. Goldman entre dans une nouvelle ère, qu'il n'a même pas souhaitée sans doute, celle du culte de sa personne. Il est d'ailleurs lucide : il anticipe un après, sait et clame qu'aucun amour ne dure, pas même celui du public. Il ne feint pas ni ne fait preuve d'humilité quand il le dit. J'ai remarqué que les gens le croyaient humble et l'aimaient pour cela. À tort à mon avis. Goldman est lucide seulement. Et même orgueilleux à mon avis, dans le sens où il a conscience de sa valeur. Je me souviens d'une interview dans laquelle le journaliste lui demande pourquoi il n'achetait pas une voiture de sport ou une villa sur une île paradisiaque, comme le font les autres stars. Et Goldman de répondre : « Mais parce que je vaux mieux que ça ». Il a su très tôt que tout était éphémère, et que d'ailleurs, cela n'avait pas d'importance. Uras nomme cela l'élégance. Le fait de penser que rien ne compte, et surtout pas la popularité. Goldman sait précisément qu'il finira par lasser les gens et plutôt que de s'en offusquer par avance, il trouve cela très sain. C'est cette réflexion entamée si tôt dans sa carrière qui, à mon avis, lui fera quitter la scène et toute vie publique avant de déchoir, laissant les fans sur leur faim. Goldman avait compris à la fois qu'il fallait quitter sur une victoire et aussi que son dernier album était sans doute un peu moins bon, qu'il était temps de se retirer, là, tout au sommet.



Goldman ne s'enivre pas de son succès, qui ne le corrompt pas. Il reste intègre, droit. En réponse à l'engouement que sa personne suscite, il s'efface, renonce au solo et se cache, se fond parmi trois. Un trio et deux albums, dans lequel il ne se met pas en avant.



Uras lit le livre écrit en prison par Pierre Goldman, frère du chanteur. Chemin presque indispensable, je dirais. Et il admire la pudeur du cadet qui, jamais, ne s'épanche sur un plateau télé ou pire : utilise son histoire familiale pour créer. Goldman, avec « né en 17 », semble même affirmer qu'il ignore s'il aurait été si courageux que le furent son père et son frère. Sans les citer, sans aucune allusion aux combats familiaux. Quel autre fils de résistant juif n'aurait pas été tenté d'utiliser cette gloire par procuration ? Et pas un résistant de 1944, hein... Goldman n'en dit rien, le dissimule même. Et dit en chanson qu'il aurait peut-être, lui, été bien lâche. Est-ce que ce titre est une démagogique et une manière de déculpabiliser des masses couardes sans grandeurs ni idéaux ? Non, c'est une vérité. Que personne ne se vante ou ne s'imagine être un héros, surtout pas. Le moment venu lui prouvera le contraire. C'est statistique, mathématique, pertinent. Renaud aussi dira qu'il « n'y avait pas beaucoup de Jean Moulin ».



Goldman, dans ce même album, se rit de ses échecs, comme une invitation à ne pas se lamenter de ses ratés. Puisqu'on n'y peut plus rien. Sa conception de l'amour, elle aussi, tranche avec les codes habituels. Il récidivera d'ailleurs à plusieurs reprises à ce sujet. L'amour est un leurre, une prise de possession de l'autre sous couvert de nobles sentiments. L'amour étouffe l'autre, le contraint, le retient parfois contre son gré. L'amour est une prison si l'on n'y prend pas garde. Goldman, le sceptique de l'amour, invite à l'égoïsme, à la liberté, au mensonge dans le couple, à la prise de distance. Tout comme il décrit un homme partagé entre deux femmes ou un autre qui voudrait vivre cent vies. Plus tard, ce sera « sache que ». L'amour est louche. Et l'auteur, lui, ne peut rien démentir, puisqu'il vit une passion avec une femme mariée.



Uras grandit et sa honte avec : un étudiant en troisième cycle universitaire ne pouvait pas décemment aimer Goldman, c'était ainsi. Ça ne faisait pas sérieux. N'importe, Goldman sort « Rouge », l'album de la respectabilité. Sauf pour quelques récalcitrants, souvent musiciens eux-mêmes, farouchement opposés à son œuvre et la considérant comme un sous-art. Et l'auteur rappelle à juste titre que Gainsbourg qualifiait toute la chanson d'art mineur, de quoi les remettre un peu à leur place, ces chanteurs convaincus de l'absolue supériorité de leur œuvre.



« Rouge », c'est l'utopie qui devient cauchemar. C'est le rêve d'un monde juste qui, réalisé, se fait goulag et famine. « Rouge », c'est la tragique ironie, le constat sans concessions. Et l'on se souvient comme Goldman, pourtant philosophiquement de gauche si l'on peut dire, avait annoncé comme il n'avait jamais rien espéré de la victoire des socialistes en France, que les idées les plus nobles étaient aussi les plus solubles. Goldman s'est fait une place, sa place. Avec « Rouge » il se démarque aux yeux de tous. Ses concerts deviennent des événements, des œuvres d'art. Pas de chorégraphie ni de jeu de scène, mais des images en arrière-plan, les chœurs de l'armée rouge, plus tard une scène qui se lève.



« En passant » est l'album du retour à soi après deux disques en trio. Des paroles plus intimistes, un ton presque confidentiel. Goldman cite ses parents pour la toute première fois. Des mots graves, désenchantés. L'introspection, si elle est sincère, ne peut conduire qu'au sombre. L'album de la maturité pour la presse qui se fend de critiques élogieuses, la même qui le traitait de castrat. Goldman n'est pas rancunier mais refuse cependant de faire la Une des journaux. Et c'est logique, cohérent : cela laisserait supposer que la sortie d'un simple disque est un événement majeur, ce qu'il ne croit pas. Il fait pire, même : il exige une lettre de motivation pour toute demande d'interview. Et j'aime, moi, cette idée. Il ne doit rien aux journalistes, qui ne l'ont jamais épargné. Il n'a que faire du perdre du temps sur un plateau ou à répondre à des questions convenues. Il est musicien, voilà. Le reste, ce n'est pas son métier. Aussi, il faudra un projet solide, un sujet profond, pour espérer obtenir quelques mots de sa part. Est-ce de l'orgueil ? C'en est, à mon avis. Un sain orgueil, un orgueil de celui qui se sait suffisamment professionnel dans ce qu'il fait pour n'avoir pas besoin de se vendre obligeamment. Tout est dans l'album, le reste n'est que complaisances.



Ensuite, il y eut le livre, publié chez Seuil. Livre que j'ai lu bien évidemment, et qui se trouve encore dans ma bibliothèque. Une sorte de dialogue entre deux pères au sujet d'éducation, une conversation entre un musicien et un philosophe. Goldman y est assez sobre, ayant plus de questions à poser que de réponses à apporter. Pas vraiment de l'humilité à mon avis, mais l'éloge du doute et de la saine curiosité. Goldman interroge un philosophe et surtout l'écoute avec attention. Cependant il a un avis, qualifié de « réac » par certains et de modèle pour d'autres. Goldman, loin de s'indigner que l'on refuse à certains jeunes l'entrée en discothèque - le fameux délit de faciès - répond qu'ils « n'ont qu'à aller à la bibliothèque, là où on n'a jamais refusé l'entrée à quiconque ». De même qu'il cogne un peu sur les rappeurs, qui n'apprécient guère les efforts à fournir pour maîtriser la musique. Effort, mérite, sueur, voilà comme il voit l'éducation. Libération se déchaîne une fois encore. Goldman, le calme et silencieux, est une sorte de bombe à retardement dès qu'il parle. Le chanteur refuse tout logiquement d'assurer la promotion du livre, répugne à utiliser sa notoriété, éthique personnelle qui a sans doute causé un manque à gagner énorme mais qu'on ne peut que saluer. Le livre devra vivre pour lui-même, pour son contenu, pour sa valeur, ou bien ne vivra point.



En 2001, Goldman sort son dernier album. Un album pour danser. Il rappelle au monde son statut de simple saltimbanque, de musicien de bal. Lui qui déjà refusait que son image soit diffusée en première page des journaux revendique à présent son non-génie ainsi que sa moindre influence. S'il répète qu'un enseignant peut influer sur une existence, il ne suppose pas une chanson susceptible d'y parvenir. Il n'a aucune importance, il le sait et ne cesse de le réaffirmer. Il est simple, il est surtout humain et commun. S'il fallait une preuve, il offre cette balade tendre, minimaliste et mièvre : « La vie c'est mieux quand on est amoureux... ». Il est amoureux, et Fabrice Uras lui aussi, du moins il se pose avec une femme après s'être fait une place professionnelle. On n'en saura pas plus sur sa propre vie intime. Il est à l'image de celui qu'il admire : discret, pudique. Et c'est tout à son honneur.



Goldman entame sa dernière tournée, tout de noir vêtu. Ne rien y voir de l'ordre du deuil à mon avis : le noir sied aux hommes, voilà. Comme d'habitude, il remonte ses manches, petit tic qu'il n'a jamais pu ou voulu abandonner. Il maîtrise la scène à présent, n'est plus le type timide et immobile des débuts, fait preuve d'une belle aisance d'être d'une décontraction dignes de ceux qui n'ont rien à prouver. Justement : il n'a plus rien à prouver, alors il se retire. Tout net. Il tire le rideau en pleine gloire. C'était prévisible pourtant. Prémédité. Il avait affirmé, plusieurs années auparavant, sa fascination pour le type qui, au sommet, choisit de redevenir invisible. C'est aussi regarder d'un œil méprisant ceux qui, nombreux, s'accrochent au devant de la scène comme si c'était un dû, et ce même après leur déchéance. Goldman est à contre-courant même dans son repli. Il prouve ce qu'il n'avait fait que clamer depuis vingt ans : qu'il pouvait vivre sans paillettes ni ovations, en homme on ne peut plus banal.



Dois-je vraiment donner mon avis sur les spectacles des enfoirés ? Je pense que je vais m'abstenir de parler du côté caritatif et m'en tenir au côté artistique. Je ne reproche rien à Goldman. C'est un actif, un homme de terrain. Il a agi, voilà. On lui a confié une mission et il l'a prise très au sérieux, menant la troupe à des hauteurs, récoltant des sommes faramineuses. Il a assumé ses fonctions avec un grand professionnalisme, se montrant digne de la tâche qu'on lui avait confiée, c'est tout.



Est-ce que ce livre est une autobiographie ou une biographie de Goldman ? Les deux je dirais, entremêlées, indissocia
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