| Nicolina le 20 juin 2012
Bonjour, je vous propose de découvrir mon texte sur le thème de la rencontre. En espérant que vous le lisiez avec plaisir. Bonne lecture !
Rencontre magique
(Dimanche 17 juin 2012)
Des rencontres, j’en ai fait beaucoup dans ma vie, mais jamais comme celle-ci, aussi magique, fantastique et douloureuse, aussi. Une rencontre inoubliable, qui a marqué mon esprit à jamais.
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Je venais de finir le lycée et ma petite amie venait de me quitter. Ma seule consolation, c’était d’avoir au moins eu mes examens, mais je me retrouvais seul, sans personne. Mes amis étaient partis de leur côté, pour les vacances, certains travaillaient et d’autres préparaient déjà leur rentrée à la fac, mais pas moi. J’étais désespérément seul. Alors, un soir, je suis sorti, j’ai erré dans les rues, en espérant trouver un peu de réconfort dans l’obscurité. J’ai longé, la mer, appréciant le contact du sable sous mes pieds. C’est là que je l’ai vu, au bord de la falaise, regardant la mer avec mélancolie.
Croyant à une tentative de suicide, j’ai couru jusqu’à lui, espérant pouvoir le sauver à temps, me prenant l’espace d’un instant pour un héros. Mais arrivé à sa hauteur, j’ai vu qu’il ne bougeait pas, qu’il n’y avait pas de trace de tremblement, il était calme, regardait l’horizon, comme s’il voulait se fondre dans la nuit. J’ai alors compris que je m’étais trompé et j’ai voulu rebrousser chemin.
Mais quelque chose m’en empêchait. J’étais hypnotisé par ce garçon à l’allure frêle, bien plus petit que moi, avec ses cheveux noirs se fondant dans la nuit. Les bras le long du corps, la posture droite, les pieds bien ancrés dans le sol, il ne bougeait pas d’un poil. Je me suis même demandé l’espace d’un instant si ce n’était un mannequin de cire qui avait été posé là.
Alors, je me suis rapproché de lui, il n’a pas cillé, mais il était bien vivant. Son visage était fin, même dans le noir, je voyais sa peau nacrée luire sous les effets des rayons lunaires. Ces derniers faisaient ressortir ses yeux dorés et je n’ai pu m’empêcher de le dévisager pendant plusieurs minutes. Ses vêtements étaient étranges, d’un autre temps, comme s’il avait oublié que nous étions au vingt et unième siècle. Mais, je me suis dit que c’était son choix, qu’il aimait sans doute s’habiller comme ça, ne pas suivre la mode et je l’ai envié d’être aussi sûr de lui, d’assumer ses envies.
Il ne bougeait pas, ne semblait pas se préoccuper de moi. Ca n’avait pas l’air de le gêner que je le regarde de cette manière, il semblait absorbé par tout autre chose, alors que moi, je ne regardais que lui. Au bout d’un moment, le silence m’a semblé pesant, mais je ne savais pas quoi lui dire, comment entamer la conversation. J’avais l’impression qu’il n’allait pas me répondre, qu’il continuerait à m’ignorer et à regarder l’horizon dans l’espoir d’y voir quelque chose, même si je ne savais pas quoi.
Je ne savais pas ce que je devais faire, rester là et attendre qu’il se passe quelque chose, ou bien partir et le laisser là, tout en imaginant qu’il pouvait réellement sauter dans le vide. Cette dernière pensée a traversé mon esprit en un éclair et je me suis dit que je devais rester là… au cas où. Parce que je ne pouvais décemment pas le laisser faire une telle bêtise, même si je n’étais pas sûr qu’il la fasse. C’est alors, qu’il m’a parlé, avec une voix claire, presque sortie d’outre tombe, ce qui m’a fait sursauter.
- Quel est ton nom ? M’a-t-il demandé.
Je suis resté abasourdi par son calme. Il ne me regardait toujours pas et j’ai eu l’impression qu’il s’adressait à quelqu’un d’autre. Pourtant, j’ai répondu, puisqu’il n’y avait personne d’autre que moi autour de nous.
- Jack Johnson, ai-je répondu. Et toi ?
- Subaru Aïzawa-Gregor, a-t-il répondu en se tournant enfin vers moi.
- Tu es lycéen ?
- Oui, je l’étais.
J’ai froncé les sourcils, me demandant où il voulait en venir. J’ai préféré croire que j’avais mal compris, alors, je n’ai pas relevé.
- Que fais-tu ici ? A-t-il continué.
- Je me promenais, quand je t’ai vu, et toi ?
- J’attends.
- Tu attends ? Tu attends quoi ?
Il n’a rien dit et j’ai été encore plus troublé. Son regard doré me transperçait littéralement le corps et je n’ai pas su, à ce moment pourquoi. Il m’a souri et je n’ai pu m’empêcher de rougir.
- Tu viens d’où ? Ai-je demandé.
- Hiroshima, a-t-il répondu.
- C’est comment là-bas ?
- Je ne sais pas, ça fait longtemps que je n’y suis pas retourné. Et je n’y retournerai sûrement jamais.
- Pourquoi ? Tu as encore le temps, tu es jeune. Et puis, ce n’est pas tellement loin.
Il m’a juste souri et j’ai eu une drôle de sensation tout à coup. Son visage m’a paru n’être que transparence l’espace d’un instant et je me suis demandé si je ne devais pas rentrer me coucher. Il se faisait tard et il commençait à faire froid, pourtant, je n’avais pas envie de partir. Alors, je suis resté, faisant fi de mes tremblements, tout en pensant que j’en ressortirais sûrement avec un coup de froid le lendemain. Mais, ça m’était égal. Je voulais en savoir plus sur ce garçon, il m’intriguait. Il avait repris sa contemplation de l’horizon et pendant un moment, j’ai fait de même, regardant la mer s’agiter en contrebas.
- Et toi d’où viens-tu ? M’a-t-il demandé.
- New-York, ai-je répondu. Enfin, je suis né à New-York, ça fait des années que je vis ici. Mes parents ont été mutés dans le coin.
- Et l’endroit te plait ?
- Oui, je m’y suis habitué, même si les gens m’ont souvent regardé comme un intrus.
Je me suis tu, ne voulant pas réveiller de mauvais souvenirs. Trop blond, trop grand, trop américain, c’était mon lot. Les autres élèves me raillaient sans cesse alors qu’ils savaient d’où je venais. J’ai mis du temps à trouver ma place, à me faire de vrais amis. Mais, je dois l’avouer, en parlant avec Subaru, je me suis aperçu que c’était la première fois que quelqu’un me regardait sans me juger, me posait des questions sur moi, s’intéressait à moi et ça m’a beaucoup touché.
- Pourquoi es-tu ici ? Ai-je demandé.
- Je te l’ai dit, j’attends.
- Oui, mais quoi ?
- J’attends quelqu’un.
- Ah ! Alors, je devrais peut-être te laisser. J’espère que cette personne ne va pas tarder à arriver. Il est tard, tu vas finir par attraper froid.
- Aucun risque, a-t-il dit avec un sourire.
Encore une énigme que je ne comprenais pas. Je me suis assis à terre, en ayant assez d’être debout depuis si longtemps. Ca faisait près d’une heure que nous étions là, tous les deux, à parler. Et sans que je ne m’en rende compte, je suis resté avec lui toute la nuit, jusqu’à ce que le soleil se lève, à discuter de tout et de rien, surtout de rien. Parce que Subaru était encore une énigme même après une nuit de discussion. Ses paroles étaient très floues, contrôlées comme s’il n’avait pas osé en dire trop sur lui pour ne pas se blesser lui-même. Ce qui était sûrement le cas.
- Je vais devoir rentrer, ai-je dit en me levant engourdi d’être resté si longtemps assis par terre.
- Je comprends, a-t-il dit en se levant à son tour.
- On se reverra ? Ai-je demandé avec espoir.
Il n’a pas répondu et j’ai vu son regard s’assombrir. Le soleil commençait à nous éclairer et c’est à ce moment-là que la vérité m’a sauté aux yeux. Je l’ai regardé d’un peu plus près n’osant croire à ce que je voyais. Son visage était triste, sombre, presque abattu.
- Tu…
- Je suis désolé, a-t-il dit. Je ne crois pas qu’on se reverra.
- Mais… c’est pas possible.
- J’ai été ravi de te rencontrer, j’ai passé la meilleure nuit… de ma vie, si je puis dire. Pour tout t’avouer, la personne que j’attendais, c’était toi. Je voulais rencontrer une personne qui me comprenne, qui parle avec moi. Merci.
- Attends, tu veux dire…
- Oui, dit-il en baissant la tête. Merci vraiment d’être resté à mes côtés. J’espère que tu ne m’en voudras pas. J’ai vraiment été ravi de te connaître.
J’étais complètement perdu, incapable de comprendre ce qui m’arrivait. Subaru disparaissait peu à peu. Ses yeux dorés me regardaient avec tendresse. Il s’est penché vers moi, j’ai fermé les yeux, et alors que je sentais à peine le souffle de ses lèvres sur les miennes, il a disparu, avec un dernier merci laissé par le vent.
Je suis resté un moment à regarder l’espace vide devant moi. Mes yeux me piquaient, je ne croyais plus à ce qui venait de se passer. Rester une nuit avec un inconnu et le voir disparaître au lever du soleil, c’était invraisemblable. Je suis rentré chez moi, épuisé, vidé par cette nuit blanche, accablé par la perte d’une personne que je venais à peine de rencontrer.
Le lendemain, j’ai fait des recherches, recherchant un Subaru Aïzawa-Gregor dans l’annuaire, mais c’est dans les archives d’histoire que je l’ai retrouvé. Son nom apparaissait sur la liste des personnes ayant été victimes de la bombe d’Hiroshima en 1945. Je suis resté abasourdi par cette révélation, alors j’ai cherché un peu plus, espérant trouver une photographie de l’époque où il pouvait apparaître et j’en ai trouvé une sur Internet, dans les archives de la ville qui avaient pu être sauvegardées après la guerre. Elle était vieille, jaunie par le temps, mais j’ai reconnu ce jeune garçon, aux yeux dorés, avec les mêmes vêtements qu’il portait la veille, se voir remettre un prix scientifique et j’ai compris que sa mort n’était pas un rêve, que je ne le reverrais plus jamais.
Cette pensée m’a anéanti et pendant plusieurs jours, j’ai vécu comme un zombie, jusqu’à ce que je réagisse enfin et que je me dise que la vie continuait.
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Pourtant, aujourd’hui, je suis devant le mémorial des victimes de la bombe A. et je constate que son nom apparaît bien, qu’il est bien là.
Subaru Aïzawa-Gregor, 1er janvier 1928 - 6 août 1945.
Comment ai-je pu rencontrer cet homme, alors qu’il est mort ? Par quel miracle ? Je ne comprends pas. Un souffle dans mon cou me fait sursauter et l’espace d’un instant, je crois le voir à côté de moi. Sûrement l’effet de mon imagination, pourtant au
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