AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Apoapo


Presque toutes les nouvelles de ce recueil tardif de Sait Faik sont écrites à la première personne. Des sentiments équivoques les traversent : une infinie solitude et portant une empathie pénétrante avec les petites gens, les laissés-pour-compte, une dépression abyssale qui s'alterne, aussitôt, à une insondable joie de vivre (syndrome bipolaire?), une attention pour des circonstances et des objets banaux et cependant un refus du réalisme primaire (ce qui lui fut reproché, par ex. par Nazim Hikmet... mais non par quelques flics qui lui réclamèrent l'identité d'un certain personnage qu'ils ne surent concevoir comme un être fictionnel !), une certaine détestation des lieux de son quotidien et néanmoins un indéracinable attachement à ces mêmes paysages, une narration apparemment rêveuse, anecdotique, inconcluante, superficielle qui aboutit sur des chutes d'une étonnante, parfois dérangeante profondeur...

Beaucoup est expliqué par le bel et complet appendice biographique (pp. 167-187) signé Elif Deniz et Pierre Vincent. Ce qui reste peut-être insuffisamment illustré pour le lectorat non spécialiste, c'est que les auteurs de la génération Sait Faik, et lui-même en tout premier lieu, étaient en train de tout inventer : une nouvelle littérature avec une langue nouvelle – pas seulement un autre alphabet, d'abord une esthétique novatrice. Certains ont nommé et conceptualisé leur démarche, d'autres ont puisé à des modes et courants littéraires étrangers leurs contemporains. Sait Faik, dans les différentes phases de son écriture (sans doute trois?), a suivi au plus près, je pense, ses propres démons intérieurs et ses péripéties biographiques. Une telle empreinte si fortement personnelle ne pouvait que se répercuter, fatalement, sur la postérité. C'est peut-être aussi la raison qui rend son écriture si intemporelle, hors d'atteinte du vieillissement.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}