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Critique de ManoLM


Nuit persane est un premier roman qui m'a bouleversée.
Si je parle de mon ressenti de lectrice, je pourrais me limiter à Leyli, le personnage féminin qui est une sorte d'initiatrice du personnage principal, Mathieu, un jeune Français qui arrive à Téhéran en 1976. Leyli est d'abord une jeune lycéenne, entêtée devant ses profs tant elle aime la Littérature française et la culture de la Liberté.

Mais je vais commencer par souligner qu'à la base, on nous raconte ici une histoire, contrairement à trop de romans contemporains narcissiques et bavards. Une vraie histoire, avec les aléas de la vie, ses êtres que l'on aime et qu'on nous arrache. Et elle recoupe brutalement L Histoire, celle de la Révolution iranienne. Existe-t-il un autre roman qui l'ait prise ainsi à bras-le-corps, pour nous replonger dans son tourbillon, ces moments dramatiques ? Et l'on apprend que la France était alors très présente dans ce pays...
Je fais partie de ceux qui aiment apprendre des choses en lisant des romans, et bien je vous promets que vous allez apprendre beaucoup de choses (en particulier sur la culture « intérieure » de l'Iran).

Les quatre parties marquent quatre moments de la conscience de Mathieu, et de l'ampleur du texte lui-même. Dans la première, c'est clairement un adolescent qui ouvre les yeux (lui qui a peur de ne plus pouvoir décoller ses paupières sous l'air conditionné qui à l'époque fonctionnait très mal en Iran). Je me suis retrouvée dans son indignation contre l'injustice sociale, Amnesty par exemple, même si en Iran en 1976 c'était bien plus criant... Dans la seconde, Mathieu s'engage pour de bon, et il découvre que le réel se révèle alors sans pitié dans deux chapitres littérairement remarquables (au bidonville du sud de Téhéran, où la situation humanitaire est critique). le contraste est saisissant lors d'un voyage dans le nord de l'Iran, aux bords de la mer Caspienne (c'est amusant : au même moment où se déroule le roman de Javad Djavaheri !). J'avoue qu'en tant que lectrice j'ai parfois dû m'abandonner lors de quelques passages philosophiques (de philosophie islamique), mais cela n'est pas gênant parce que Mathieu nous sert de guide et qu'il entend tout sans chercher à tout comprendre. Il y a là un jeune Marseillais très savant que j'adore, mais bon, c'est subjectif !
La troisième partie fait totalement sortir Mathieu de son univers occidentalisé, et sa métamorphose se poursuit. Il passe un été au Bâzâr, et à partir de là une tension, à la fois historique (car la Révolution devint de plus en plus menaçante) et... érotique, est palpable pour le lecteur, totalement emporté ! On est loin du gamin des premières pages, qui s'ennuyait en arrivant à Téhéran. Et la quatrième partie est comme une course désespérée, sublime. Les liens entre les personnages, souvent nouveaux, se tissent de manière intense, comme dans ces périodes exceptionnelles de basculement historique grave.

Il y a plusieurs femmes marquantes dans Nuit persane, y compris une artiste contemporaine que l'on croise en quelques pages : elle, elle aura tout vu des dangers d'un islam imposé comme loi politique.
Alors, Leyli ? Ce que j'ai trouvé très fort, c'est que pour une histoire d'amour, ce personnage ne reste pas réduite au regard de Mathieu projetant sur elle son désir et ses fantasmes. Je finis en vous citant un de mes passages préférés, sur cette idée de l'amour que je trouve bouleversante, surtout après avoir fini le roman.
J'espère que vous ressentirez la même chose vous aussi !

« Alors je fermais les yeux de contentement et de joie, car cette transformation en elle, c'était ma vie à moi qui s'ouvrait à la verticale des possibles. Avec plus d'attention, je pouvais même entrevoir une autre loi de l'amour que je médite, impuissant, depuis : Leyli était une inconnue. Je l'aimais, ne la connaissais pas. Et justement, dans sa transformation en adulte, je devinais cette personne par-delà l'amour présent, qu'il allait falloir laisser se déployer pour l'aimer tout à fait. »
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