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Critique de EtienneBernardLivres


L'hypocrisie des moeurs parisiennes et la répercussion des scandales fertilisent toute sorte de plans sournois et lâches pour maintenir à tout prix son honneur.

Un enfant né hors mariage, fruit d'un adultère est un boulet à vie et qu'il ne s'agisse que d'une banalité parisienne ne modifie en rien les jugements. La réputation du comte de Villanera peut tomber à tout moment, lui qui a eu cet enfant avec Madame de Chermidy.

La réaction la plus spontanée serait d'abandonner l'enfant mais cette lâcheté écoeure la tendresse paternelle et la sensibilité du comte.
Par un trait de génie perfide, sa maitresse a tout prévu : le comte se mariera et fera reconnaître l'enfant ; elle dépêche un médecin à la recherche d'une femme dont la mort est proche. le docteur le Bris a dans sa clientèle, une noble famille, de la Tour d'Embleuse, réduite à la plus profonde misère. Germaine de la Tour d'Embleuse sera l'heureuse élue de ce morbide marché.
C'est une bien touchante poitrinaire, malade, que cette Germaine qui se laisse vendre ainsi sans hésiter ce qui lui reste de sa vie et toutes ses illusions de jeune fille pour donner du pain à ses vieux parents, sans ne serait-ce qu'une seule rancoeur envers son père qui a ruiné et déshonoré sa famille, jadis immensément riche, par des jeux d'argent.
C'est d'autant plus remarquable que son état de santé a pour origine directe les conditions pouilleuses de vie dans lesquelles elle a été contrainte de vivre suite à l'appauvrissement de son père.
Une famille noble pauvre est la plus misérable des familles de Paris, car une fois sans un sou, la fierté des membres de la famille les empêche de travailler, seuls quelques emprunts de plus en plus rares à des amis de plus en plus absents comblent le manque à vivre.
Le duc préfère donc vendre sa fille plutôt que se résoudre à travailler, le comte de Villanera inscrira des rentes et une dot à la hauteur de l'humiliation.
Le plan va doublement échouer : non seulement Germaine se remettra, car sa santé n'était qu'indexée à sa pauvreté, mais en outre le comte, ému par ce miracle, cette guérison inespérée, y voit le signe du destin et évincera de son coeur la vilaine Chermidy.
Dans un excès d'impatience, Madame Chermidy, récemment et joyeusement veuve réclame son dû ; il devait y avoir deux veufs, un enfant légitimé, un mariage réussi, une fortune, un nom et un honneur assuré… Elle ne trouve qu'un coeur perdu, un enfant dérobé et une pré-mourante en pleine forme. Elle qui était fine, espiègle et raisonnée éclate et devient une fureur incontrôlée, usant à outrance de chantage émotionnel et autres menaces ridicules pour se venger.

Ce roman frappe fort au début puis perd un peu en intensité : d'abord car on explique peu le revirement sentimental du comte et que Madame Chermidy enchaîne les maladresses avec une fin moralisante et heureuse mais qui semble avoir été un peu trop expédiée.

Heureusement pour l'époque, la vertu de Germaine est récompensée et les vices de l'autre serpent châtiés, cela a sauvé l'oeuvre de la censure. Même avec cette fin bienveillante et moralisante, certains journaux ont pu dire « que l'art du conteur ne saurait déguiser ce qu'il a de choquant et d'odieux dans ce marché avec la fille poitrinaire ».

Le livre est drôle de tout un tas d'autres détails morbides non détaillés ici : le médecin proxénète noue une égale amitié entre le bourreau et la victime et il agit toujours avec grâce et une bonhommie parfaite, sans aucun scrupule. Madame Chermidy hypnotise le père de Germaine, lui détourne ses correspondances et ses fonds, elle s'entoure d'un arsenal d'autres hommes soumis prêt à lui rendre service, on lui livre un ancien prisonnier afin d'empoisonner Germaine

Bref, ne vous fiez pas au titre, c'est un roman original et plein de bonnes sournoiseries.
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