Tous les « leaders » noirs actuels doivent leur position aux émeutes et aux rébellions des années soixante, expression de la colère et de l’insatisfaction de milliers de Noirs anonymes descendus dans les rues pour défendre leurs droits. Si les masses afro-américaines en colère n’avaient pas violemment enfoncé les portes closes de l’égalité des chances, il n’y aurait aujourd’hui aucun maire noir, aucun chef de la police noir, aucun styliste noir, aucun journaliste noir. Leur existence est une timide concession au peuple noir en colère, une tentative d’endiguer les vagues de rébellion. Mais ceux qui ont bénéficié de cette ère de révolte ont tourné le dos aux insurgés et embrassé les intérêts de classe de leurs oppresseurs.
C’est cela, l’Amérique de 1992 : la population carcérale la plus nombreuse du monde ; une justice peuplée de millionnaires blancs bourrés de préjugés ; un pays lentement consumé par toute une série de conflits environnementaux, sexuels et sociaux ; une nation enchaînée.
Dans un État capitaliste où règne l’illusion de la liberté de la presse, le pouvoir de se faire obéir ne réside pas (ou du moins ne réside plus) dans l’institution anonyme de la censure d’État mais dans la puissance du porte-monnaie.
La censure est un outil de préservation du statu quo, elle « protège » les gens de réalités sociales considérées comme trop embarrassantes.