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Critique de Milllie


Le vent mauvais c'est celui qui souffle sur ce petit village de l'est algérien loin de tout, celui qui colore tout en rouge et dont on dit qu'il apporte des poussières radioactives des essais nucléaires français dans le Sahara. le vent mauvais c'est aussi celui qui va emporter à travers les soubresauts de l'histoire les destins croisés de Tarek, Saïd et Leïla, amis d'enfance nés dans ce petit village. Seconde guerre mondiale, indépendance de l'Algérie, montée au pouvoir des islamistes souffleront et balayeront les vies de Tarek et Leïla.

Kaouther Adimi a un talent certain pour nous raconter cette histoire, dont on apprendra en fin de récit qu'elle est celle de ses grands parents. Entre conte et récit réaliste, ce roman trouve un ton singulier pour nous narrer de manière très imagée mais sans un mot superflu le destin de Tarek qui le premier mènera le récit puis, après un bouleversement inattendu et magnifique, celui de Leïla qui entre temps est devenue sa femme. Tout commence comme une fable avec ces 2 frères de lait, Tarek et Saïd allaités par la même femme, la maman muette de Tarek, mais dont on comprend vite que les destins vont diverger, l'un Tarek orphelin de père devenant berger et l'autre Saïd fils d'une bonne famille et de l'imam du village, partant étudier à la capitale et rompant définitivement les liens avec le village et ses amis après la seconde guerre mondiale. Quand à Leïla, mariée de force très jeune, elle créera le scandale en quittant son mari puis acceptera de se marier avec Tarek à son retour de la guerre.

La première partie du récit narre la vie de Tarek, un homme courageux souvent emporté dans une Histoire qui n'est pas la sienne et faisant face aux épreuves avec un certain fatalisme, seul son amour pour Leïla et sa capacité à travailler dur semblant pouvoir le sauver. le récit est sobre, sans pathos, pour nous narrer l'embrigadement de force par les français pour aller combattre dans une guerre qui n'était pas la sienne, le racisme ambiant en guise de récompense, la dure vie d'immigré vieillissant loin des siens dont le seul lien avec sa famille est les mandats envoyés régulièrement. Une vie banale, une vie dure, marquée par les guerres et les désillusions, une vie dont la seule parenthèse, presque onirique, sera cette rencontre avec un célèbre réalisateur italien pendant le tournage du film La bataille d'Alger, rencontre qui vaudra à Tarek une parenthèse enchantée dans une magnifique villa de Rome dont il devient le gardien.

Mais soudain le récit, que j'avais trouvé jusqu'ici intéressant mais qui n'avait pas totalement réussi à m'emporter, bascule à la faveur d'un incroyable coup de théâtre qui fait entrer le livre et la littérature au sein du roman lui-même, donnant une perspective nouvelle à cette histoire. C'est Leïla qui prend ensuite la parole et qui va éclairer de sa voix singulière le roman, avec des pages là aussi avares de mots mais déchirantes. La seconde partie est magnifique, complétant parfaitement ce qu'on a lu jusque là, décrivant les événements passés puis la nouvelle vie de Tarek et Leïla, une fois de plus bouleversée par l'arrivée des islamistes, avec une justesse de ton et une pudeur qui m'ont bouleversée. le roman prend de l'ampleur et nous emmène avec lui, réussissant par les portraits de ces 3 personnages à nous conter toute l'histoire et les drames de l'Algérie contemporaine.

Un beau récit, que j'ai trouvé très bien construit et très abouti, l'auteure semble parfaitement savoir où elle souhaite nous emmener et réussit son coup avec brio. Une lecture originale, un beau témoignage sur les histoires croisées de la France et de l'Algérie, je suis contente d'avoir découvert ce roman et il m'a donné envie de me plonger dans les autres titres de l'auteure.
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