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Critique de Ambages


« Suivre une piste, c'est laisser courir tous ses sens. Inquiéter chaque organe. »

Quel voyage ! Magnifique ! Par où commencer... Une biographie de Pasolini ? Pas vraiment. Pierre Adrian livre des sensations de Pasolini, glanées au fil de ses lectures, des rencontres avec des proches de Pasolini, des escapades sur les chemins du Frioul et dans les rues de Rome. « Je tâcherai de comprendre l'incompris », tel est son leitmotiv. La plume est subtile, aérienne, incisive et si riche. « Lutter pour la langue, c'est combattre pour sa survie » nous dit l'auteur.

L'auteur est un écorché qui a suivi la piste d'un autre écorché, la symbiose ne pouvait que fonctionner à merveille. Et le résultat en est ce livre splendide, très pur, parfois brûlant qui m'a donné envie de creuser Pasolini... extraits de film, de poèmes, écoute d'interviews -rien que pour le son de sa voix. Bravo Pierre Adrian de m'avoir ouvert cette voie grâce à vos mots fléchés.

Je me suis régalée dans vos tours et détours pour essayer de trouver la tour de Chia, sa tour. Je voulais moi aussi la voir et grâce au Net j'ai trouvé une photo, Pasolini posant devant, avec quelques mots de lui : '' Si je n'avais pas trouvé un endroit d'une beauté aussi exceptionnelle (une tour dans un bois de chênes donnant sur une vallée), je ne me serais sans doute jamais décidé à aller résider souvent à la campagne. Ma décision n'a pas été d'ordre pratique, mais esthétique. Une fois les choses faites, je me suis aperçu qu'il s'agit en réalité d'un retour. Toute mon enfance a été paysanne et champêtre. de surcroît, je ne parviens nulle part à travailler aussi bien que dans ce bois de chênes si parfaitement archaïque. Je dis bien « à travailler », pas « à vivre ». J'aime en effet vivre dans une grande ville. Mais je n'aurais jamais imaginé que les villes italiennes deviendraient des lieux si horribles. ''

Ces paroles correspondaient tellement à ce que vous avez rendu dans vos propres écrits ! L'obligation de vivre dans cette Rome grouillante, les regrets de Casarsa et la voie sans issue d'Ostie. Vous constatez qu'« Ostie aujourd'hui, c'est Rome qui vient cracher dans la mer » et lui écrivait « J'arrive à Ostie sous un orage bleu comme la mort » (La longue route de sable). Que de points communs entre vous. Vous avez une sensibilité qui m'a émue, profondément. A peine entré dans l'âge adulte que vous avez libéré votre âme au travers de cette quête de Pasolini. Remarquable.

Vous savez mettre en perspective d'une manière pointue ce que l'histoire a laissé comme trace : « On croyait laisser au XXe siècle les génocides, le meurtre gratuit, les formules du type : ''Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver ». Bon sang ne saurait mentir. Combien de pays d'Afrique et du Proche-Orient foisonnent de Marzabotto et d'Oradour-sur-Glane ? Des villages qu'on supprime, une culture qu'on broie à la hache. le tout filmé à la GoPro. Et ça défile sous nos yeux, derrière l'écran télé, sur les fils AFP. Il faut des sommets politiques pour prendre une décision. Établir un pacte avec des diables au pouvoir, livrer des rançons, envoyer des rafales et des drones. le temps de trouver un compromis, et Boko Haram a déjà rasé un bourg en plein désert. »

Mais surtout, vous avez fait naître l'envie, celle d'aller même au-delà de Pasolini qui est le point de départ de votre chemin, car vos tours m'ont également amenée vers les écrits de Gramsci -Je vis, je suis partisan- ou encore la sculpture de Medardo Rosso, La Ruffiana, qui vous a tant parlé... j'ai appris beaucoup en vous lisant.

« Toujours à se relever, inquiet, simplement parce que la vie vaut la peine et qu'il ne peut se passer d'elle. »

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