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Critique de lecritoire-des-muses


Image f muette.jpg Pour un lecteur naïf suivant passivement le déroulement du texte, l'ouvrage de Mathieu Albaizeta, La Femme muette, raconte la simple histoire de Louise, une épouse amoureuse, soumise, fragile, naïve (« Louise croit à un renouveau »), manipulée par René, un mari séducteur et pervers : « Tu affectionnes ma souffrance ». Louise, « d'une nature réservée et timide », profondément meurtrie par les infidélités et les affronts que son époux lui fait subir, accepte tout inconditionnellement, ne pensant qu'au bonheur de cet individu indigne, (« le bonheur de son mari reste sa priorité »), persuadée de surcroît qu'il redeviendra l'homme qu'il était au début de leur mariage. Pourtant René joue avec la dignité et les sentiments de Louise. Il jette le discrédit sur elle en la faisant passer pour folle, lançant des rumeurs à son sujet. Leur relation est fondée sur la souffrance, le mépris. René, mari hypocrite, possède un double visage. Aimable, séduisant, plaisant en société, (« René fait son ‘show' et amuse le monde de ses blagues et de sa confiance déconcertante. Il a l'image auprès des villageois de l'homme sympathique et sociable »), il fait le désespoir de son épouse auprès de laquelle il est tyrannique, pervers, ignoble : « René n'a aucune pensée pour elle et continue ses abus sans respect ni moral ». Avec René, l'antithèse entre l'être et le paraître atteint le paroxysme. Il existe un cruel écart entre son apparence et la réalité. Non seulement il ne respecte pas son épouse, mais son objectif est de l'humilier et surtout de la détruire. Il n'arrive pas à comprendre qu'elle puisse continuer à l'aimer : « Pourquoi as-tu continué à m'aimer ? »

Cependant le roman de Mathieu Albaizeta ne se borne pas à narrer une histoire d'amour perverse. Pour un lecteur averti, c'est une tragédie moderne, une réflexion sur l'Amour tragique. Louise, héroïne du XXe siècle, est prise au piège de son destin. Elle choisit l'option qui la conduit inévitablement à sa perte : rester avec son mari. Comme tout héros tragique, Louise, innocente persécutée, suscite la pitié du lecteur. le Bien et le Mal s'opposent nettement. Louise aime son odieux mari dans le sens total du verbe « aimer », dans son degré le plus haut de tendresse, de don de soi. Son amour croit tout, espère toujours et souffre en silence, définition comparable à celle du vers de Racine placé en exergue : « L'amour sait tout vaincre, tout croire, tout espérer et tout souffrir ». le coeur de Louise déborde d'amour : un amour respectueux, gratuit, proche de l'amour christique. La souffrance amoureuse de Louise, qui ne dit rien, rappelle celle des personnages des tragédies classiques. L'intensité de ses sentiments interdit à cette femme meurtrie de sortir de la situation tragique qu'elle vit. Son amour est une force imposée par le destin, un « poison ». Seule la mort permettra à Louise d'échapper à la souffrance. Dans sa lettre d'adieu, écrite au cas où elle décède subitement, Louise s'exprime enfin et révèle que la mort est libération: « Je suis enfin heureuse de me sentir apaisée de ce poison amoureux ». le thème de l'amour, les poèmes versifiés de louise insérés dans la narration, rappellent les vers de Racine dans « A la louange de la charité ». La Femme muette est un récit élégiaque où s'expriment tout l'amour et toute la souffrance qui découlent de la noblesse de l'âme de cette héroïne, une femme simple, dotée d'une dimension tragique.
Chronique rédigée par Annie Forest-Abou Mansour sur L'Ecritoire des Muses
Lien : http://lecritoiredesmuses.ha..
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