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Critique de Tempsdelecture


L'histoire se passe essentiellement au sein de ce huis clos que représente la famille Ragnerfeldt, autour duquel se greffent quelques autres personnages extérieurs. Cette illustre famille, qui compte relativement peu de membres, se compose du patriarche, qui a donné ses lettres de noblesses à cette famille, de son épouse Alice, de leur fils Jan-Erik et son épouse Louise. Est également présente, mais de manière allusive puisque morte à quinze ans d'un accident de voiture, sa jeune soeur, Annika. Axel est l'auteur de nombreux romans dont le plus renommé est celui qui lui a valu d'obtenir le prix Nobel Ombre. Sa femme avait également publié un livre avant la naissance de ses enfants mais elle s'est sacrifiée pour laisser à son mari le temps de se consacrer à son oeuvre. A côté de cela, leur fils aîné Jan-Erik vit principalement des séminaires qu'il organise dans le but de faire revivre l'oeuvre de son père auprès du public. Contrairement à Axel, il n'est pas écrivain, il n'a pas hérité du goût d'écrire de ses parents, il est bien plus pragmatique: son rôle consiste seulement à perpétuer la voix paternelle à travers la lecture des romans et de faire fructifier l'héritage paternel autant qu'il le peut. Ayant hérité de la même voix caverneuse que son père, c'est cette ressemblance, plus que d'un talent particulier et personnel, que l'homme exploite. On s'aperçoit rapidement qu'il s'agit d'une très pâle copie de ce père à la fois aimé et détesté, qui ne fait que profiter des dernières miettes du talent et de la renommée d'Axel.

A côté de cela, Gerda qui a servi la famille avant que celle-ci ne quitte sa demeure bourgeoise, est retrouvée morte chez elle. Cette femme qui n'a pas vraiment de famille ni d'amis vivait isolée. Et pourtant, c'est elle, au coeur même de la vie de cette famille, dont les membres ne faisaient que cohabiter tout se parlant à peine, qui va involontairement livrer les clefs de ses secrets. Elle, au coeur de ce foyer au sein duquel le père était totalement absent et ne prenait jamais le temps pour ses enfants. Foyer, où le couple n'entretenait plus aucune relation et vivait comme de parfaits étrangers. Où la mère, Alice ne faisait que quémander l'attention de ses enfants sans vraiment rien leur donner en retour. Peu de liens familiaux donc. Chacun vivait sa vie indépendamment des autres en marge de cette figure paternelle tellement adulée par ses lecteurs mais tellement absente entre les murs même de son foyer.

En outre, l'auteure juxtapose à côté du récit principal l'histoire de Kristoffer « enfant trouvé » qui souffre d'avoir été abandonné à l'âge de quatre ans et qui depuis, écrivain lui aussi, ne cesse de s'inventer des histoires sur ses racines et le mystère qui les entoure. Kristoffer est un jeune homme à la dérive, que seule l'écriture est à même de panser les blessures et qui se découvre, mystérieusement, être l'unique héritier de Gerda, qu'il ne connaît ni d'Ève ni d'Adam.

L'intérêt de ce roman réside dans le fait qu'au début tout paraît obscur, les choses, les personnages sont entièrement cloisonnés, comme si toutes ces personnes appartenant à la même famille n'entretenaient aucune relation. Même Jan-Erik et sa femme Louise vivent dans deux sphères totalement différentes. L'élément commun de tout cela est encore une fois Axel et c'est lorsque l'auteur se décide de se concentrer sur sa personne que l'on se rend peu à peu compte des horreurs du passé. La construction de ce roman policier est tout simplement ingénieuse, bâtie de façon telle à ce que l'on ne se rend pas compte immédiatement dans quelle mesure il s'agit d'un polar; j'ai longtemps pensé, tout au long de ma lecture, que ce récit tenait davantage du roman psychologique, ce qui n'est pas entièrement faux. C'est vraiment dans la dernière cinquantaine de pages du roman, qui en compte près de trois cent cinquante, que l'on réalise la véritable dimension de ce roman. Karin Alvtegen excelle en outre à mettre en place tout un panel de personnages qui n'a vraiment rien de remarquables, des gens communs, tout spécialement Jan-Erik double raté de son père, sur lequel l'histoire se concentre la plupart du temps. Mais elle réussit tout de même à donner à leur trivialité une épaisseur psychologique qui fait de ce roman une totale réussite.

J'admets volontiers que cela fait longtemps que je n'avais pas reçu un tel choc à la lecture d'un polar, le dénouement de situation est très déroutant: l'auteure introduit lentement les principaux éléments du drame et finit par faire jaillir subitement cette vérité implacable, froide, cruelle, en vous laissant littéralement sans voix. Ce roman révèle la détresse, tristesse, de la noirceur de certains hommes prêts à tout pour arriver – à quoi? Ni le lecteur ni ces protagonistes ne le savent vraiment eux-mêmes. Mon cher libraire a raison, Karin Alvtegen est injustement méconnue. A lire absolument!
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