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Critique de kielosa



Ce petit ouvrage contient une introduction par Michel Eckhard-Elial, professeur de littérature comparée et qui dirige la revue "Levant", 6 nouvelles de Yehuda Amichaï et un glossaire de l'Hébreu de 2 pages, en fin de volume.

Et bien qu'il s'agisse donc de la prose, c'est comme si l'auteur n'a pas pu s'empêcher d'être avant tout poète. C'est comme si c'était plus fort que lui, surtout lorsqu'il tenait une plume ou crayon en main.
Ce qui est d'autant plus remarquable que la langue dont il se servait, l'Ivrite ou Hébreu moderne, il l'a appris lorsqu'il avait 12 ans et qu'il est arrivé avec sa famille, en 1936, en Palestine.

Yehuda Amichaï est en effet né en Allemagne, en 1924, à Würzburg en Bavière. Il y est né comme Ludwig Pfeuffer et déjà son nom d'adoption est fort poétique, puisqu'il signifie "Mon Peuple Vit". Il est mort à Jérusalem, en 2000 à l'âge de 76 ans.

Le "Poète de Jérusalem" comme on l'a surnommé, a de très grands mérites pour le développement de la langue hébraïque. le professeur d'Hébreu à l'université de Berkeley en Californie, Robert Alter, lui a réservé le superbe compliment suivant : « Yehuda Amichai est le poète hébreu le plus abondamment traduit depuis le Roi David, et ne serait-ce que pour sa qualité intrinsèque, ce n'est que justice. » (source : Wikipédia). En plus, Alter sait de quoi il parle puisqu'il a traduit la plupart de ses oeuvres en Anglais et qu'il est l'auteur de "L'art de la poésie biblique".

On entend le même son de cloche chez son traducteur en langue française, Michel Eckhard-Elial, qui, dans son introduction, loue le "pouvoir d'émerveillement" du poète.

Pour illustrer ce que ces 2 éminents experts affirment, je vous cite quelques exemples de la dernière nouvelle, qui porte le même titre que l'ouvrage, et à propos justement de ce père bien-aimé.
"Ses yeux sont comme des papillons ou des timbres-poste sur la lettre de son visage toujours envoyée vers les lointains."(page 157). "Son visage, je ne le revois que maintenant sur une photographie qui est dans mon armoire. C'est celui d'un homme déçu par le goût du plat qu'il aime."

L'auteur écrit que son père est mort de nombreuses fois. Il mourut quand il a été arrêté pour avoir jeté à la poubelle l'insigne du parti nazi. Notre Yehuda ajoute "ce fut la fin de mon enfance". Il mourut lorsque les chemises brunes placèrent un piquet devant son magasin pour en interdire l'accès. Il mourut quand nous avons immigré en Israël.

C'est finalement d'une attaque cardiaque qu'il mourut pour de bon et le poète se lance dans la spéculation : "Qui attaque qui ? Est-ce le coeur qui attaque le corps ou le contraire ? Peut-être est-ce le monde qui attaque les deux ?"

Dans la nouvelle "Le monde est une chambre", il y a un couple qui, lors d'une phase difficile que traverse leur pays, a pris un court intermède de beau temps. L'homme regarde tout à coup sa montre car il sait qu'il doit incessamment rejoindre sa troupe, mais ne voulant pas arrêter ce moment de bonheur, il enlève sa montre et la tend à la femme en chuchotant "prends-la, je ne veux pas partir." Et l'auteur de conclure : "Le temps est la politesse du destin." (page 64).

L'auteur a le don rare de la formulation souvent surprenante, qui vous force à réfléchir et des fois la lectrice ou le lecteur n'est pas tout à fait sûr que son interprétation soit la bonne. Peut-être qu'il nous laisse tout simplement libre dans notre interprétation. C'est probablement cela qu'on entend par "richesse linguistique" !

Je termine par une citation, qui, j'espère, illustre bien mon propos. À la page 67, Yehuda Amichaï écrit : "Les choses difficiles meurent en douceur".
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