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Critique de Noetique01


Ce travail de Marcel Conche (qui est malheureusement mort l'an dernier) publié aux Presses universitaires de France est des plus intéressants. Il ne s'agit pas d'un simple recueil de témoignages, mais d'une véritable étude qui présente le contexte, la doctrine, les réceptions du texte d'Anaximandre, le tout en argumentant face aux présentations contraires. le commentaire est passionnant et, loin d'être scolaire, il parvient à nous convaincre de la profondeur d'Anaximandre.

Anaximandre est le premier philosophe connu à avoir mis par écrit ses travaux. Son ouvrage, aujourd'hui perdu, aurait été écrit sans ponctuation et sans espace entre les mots. C'est pourtant grâce à l'alphabet, qu'un texte spéculatif utilise pour la première fois, qu'est née la philosophie, car c'est par l'alphabet que la possibilité d'une réflexion conceptuelle abstraite, différente de toute image, a pu voir le jour.

Deux concepts sont indispensables dans la pensée d'Anaximandre, et il semblerait avoir été les premiers à les utiliser dans ce sesn : l'archè et l'apeiron (l'indéterminé, l'illimité, l'indéfini, l'infini). L'apeiron n'est pas seulement un infini spatial, extensif, il s'agit d'un infini en grandeur total, d'un infini qui, précisément, ne se comprend pas sur le mode classique de la mondanité, et a aussi une valeur "temporelle". Pour Anaximandre, le monde, parmi d'autres mondes possibles, se génère et se détruit en vertu d'un infini extramondain, d'une indétermination radicale, dans laquelle les choses mondaines ne sont pas en puissance, comme si le visible serait en puissance dans l'invisible ou l'être dans le non-être, mais d'où procède ces choses - il s'agit d'une puissance en un autre sens, d'une puissance génératrice. Cet infini n'a donc rien d'ontique, il n'est même pas encore un être : on ne saurait le juger comme un être du monde. Parménide n'est pas encore passé par là, et l'être provient ici du non-être, dans une génération qui n'a pourtant rien de sophistique. Cet infini n'est donc pas une simple cause déterminée, par exemple un élément déterminé (la terre, l'eau, le feu, etc), ou une simple cause matérielle indéterminée, comme l'interprétait Aristote : il est radicalement indéterminé. L'archè, comme on appelle cette origine, n'a donc rien à voir avec un principe aristotélicien de premier moteur. Ce principe, chez Anaximandre, n'est pas comme suspendu à un monde sans origine. Quant au cosmos d'Anaximandre, il est changeant, en sursis. Il n'y a pas d'éternité du monde, pas plus qu'il n'y a de cyclicité : il y a plutôt multitude de mondes, et éternité de l'apeiron, de l'indéterminé, de l'infini. Quant à la mort, elle est dans ce cadre une forme de justice.

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