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Critique de PaulineDeysson


Les Souliers rouges fait partie des fables les plus ambivalentes que je connaisse. Karen, une orpheline recueillie par une femme pieuse, ne commet point d'autre crime que celui d'aimer une paire de souliers rouges, de les porter à la messe et de vouloir aller danser au bal alors que sa tutrice est malade : le Diable la punit pour cela de la plus atroce des manières, la condamnant à danser durant l'éternité. Tour à tour léger, cruel et tragique, saturé de magie chrétienne, le conte relate le supplice de Karen jusqu'à sa triste rédemption. Multipliant des scènes aussi atroces que fascinantes, ce récit fait partie de ceux dont on se souvient.

Karen et ses chaussures sont les personnages principaux des Souliers rouges. Plutôt gentille, raisonnablement coquette, le caractère de l'héroïne est plutôt équilibré : comme souvent chez Andersen, la punition est disproportionnée par rapport au péché et le pardon se manifeste dans une révélation christique assimilable à la mort. Les souliers rouges, qui finissent animés d'une vie propre, incarnent à la fois le désir de paraître, la jeunesse, la vanité et la passion de vivre. Derniers cadeaux des parents pauvres de Karen, ils sont aussi empreints d'un voile mêlant tendresse, souvenir et rêve d'enfant.

Je trouve la morale des Souliers rouges particulièrement injuste. Sous prétexte de vanter la piété et la modestie, le narrateur condamne ici la moindre légèreté, presque la moindre joie de vivre, tout en prônant l'uniformité et l'ostracisme de la différence. C'est un conte assez pessimiste, d'autant que le pardon demeure inaccessible à Karen dans la vie (du moins selon ma lecture). Il est intéressant de noter qu'Andersen a écrit cette histoire en songeant à sa demi-soeur, qu'il détestait, et à un souvenir d'enfance où la paire de souliers rouges a fini détruite par son père. Derrière l'apologie du pardon et de la prière se cache pour moi une forme de frustration, et l'aveu de l'impossibilité du bonheur terrestre selon la religion chrétienne.

J'ai été particulièrement choquée par l'injustice de ce conte et la cruauté presque gratuite dont il fait preuve, car le péché de Karen est bien maigre : à cet égard, il n'est pas sans rappeler La Jeune Fille sans mains des frères Grimm.

Pauline Deysson - La Bibliothèque
Lien : http://www.paulinedeysson.co..
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