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Critique de ATOS


Ce qui étonne, peut être, c'est la construction même de cette biographie. Tout n'est pas dit, pas écrit, beaucoup fut retiré, soustrait ou détruit, et sans aucun doute pensé, analysé, compris, mais l'urgence du travail qu'elle a accompli sur et dans sa vie et celles de beaucoup qu'elle a pu rencontrer et aimer, n'a pas permis que cela nous soit transmis.
Construction d'un essai plus que d'un récit .
C'est par expériences que Lou Andréas Salomé écrit. Par expériences et non d'expérience.
Expérience de Dieu, expérience de l'amour, expérience de l'amitié, expérience de la famille et du couple, expérience de la Russie. expérience de la recherche, et comme on le comprend , expérience avec le poète Rilke, et avec Freud.
Son mode de vie, ses choix, ses passions , ses refus, sa volonté, firent scandale.
Son appétit d'apprendre, de découvrir étaient à la mesure de son intelligence.
Elle embrassait la philosophie, la poésie, la littérature, la psychanalyse avec l'âme d'une chercheuse. Rien ne la choquait. Elle cherchait à comprendre, comprendre le monde, comprendre l'être, comprendre l'Autre, comprendre soi.
Le regard qu'elle portait sur son appartenance au monde est encore aujourd'hui novateur.
Elle ne parlait pas à Dieu car elle considérait le monde comme une entité globale.
Elle mettait le respect en toute chose en première ligne.
Respect pour le vivant, respect pour tout ce qui est, sain ou souffrant, elle ne rejetait rien.
Comme tout se trouve en tout et en chacun, c'est avec aucune crainte, aucun préjugé, aucune barrière morale qu'elle a pu correspondre dans une communauté d'esprit avec des êtres tels que Nietzsche, Rilke, Freund .
Aucune demi mesure, pas d'arrangement, aucun modèle. Aucun conseil. Très tôt, dès son plus jeune âge, la vie, la totalité de la vie l'appelle et elle n'aura de cesse que de se pencher sur chacun de ses mystères.
«  de quelles étoiles sommes-nous tombés pour nous rencontrer ?  » lui demanda dès leur première rencontre Nietzsche. La notion du sur-humain est déjà en gestation.
Oui elle était exceptionnelle, exceptionnelle dans sa clairvoyance, son analyse, et la bonté qui portait ses pas et son regard vers l'autre.
« nous prenons conscience de ce qui nous fait entrer dans la fraternité universelle. Ce qui nous inhibe - et qui nous inhibera de plus en plus au fur et à mesure que nous civilisation deviendra plus consciente – c'est le plus insensé des « préjugés de classe » qui nous fait préférer bâtir des châteaux en Espagne pour faire notre salut, plutôt que partager l'univers originel de toute chose : sur ce point extrêmement délicat , devenu fragile et hypersensible à cause de notre prétention, même une réflexion poussée fort loin ne peu changer ; seule une révolution au niveau de la pensée le peut : connaître, ce sera reconnaître ».
Voilà la portée de toute sa pensée. Voilà ce qui aura porté toute sa vie. Ce qu'elle découvrait au fur et à mesure de ses expériences de vie, était la clé d'un mystère qu'il nous reste encore à découvrir.
On l'a dit sulfureuse, certains l'ont dit même dangereuse. Et en lisant ses écrits c'est un amour fou, une déclaration de vie, un élan, une joie, un geste de vie réfléchie, pesée, passionnée, et une vision qu'elle n'a jamais cessé d'exercer sur toute chose et sur tous les êtres qui surgit sous nos yeux.
Rien n'est à rejeter, tout reste à comprendre. Voilà sa feuille de route.
Comprendre le monde c'est se comprendre, c'est se mettre en capacité d'aimer. Accepter les failles, les reliefs, les fleuves, comprendre la vérité des tempêtes c'est entendre la beauté qu'elles feront naître.
Non elle n'avait pas besoin d'un Dieu au dessus des hommes, sa spiritualité lui était propre, elle en faisait l'expérience chaque jour, le monde était affaire du monde et pour y prendre part, il fallait en faire les expériences sans rien rejeter.
Porter le monde en soi, vivre l'autre en soi, et se voir vivre en l'autre.
Étonnante Lou Andréas Salomé, mais sans jamais avoir été déroutante, ni pour elle même, ni surtout, pour ceux pour lesquels elle sut prendre joie à leur rencontre.
Ma vie, esquisse de quelques souvenirs, fut éditée en 1957, à titre posthume par Ernst Pfeiffer, à qui elle avait confié le soin de ses mémoires.
Qu'il soit ici infiniment remercié pour les respect de cette parole donnée.

Astrid Shriqui Garain


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