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Critique de Lucilou


Je me rends compte, en couchant ces mots sur mon écran, du paradoxe que va représenter cette critique... Oui, je mets cinq étoiles à "La Mort du Roi Arthur" et j'en mettrai le triple si je le pouvais... et pourtant, j'ai rarement autant souffert à cause d'un livre, j'ai rarement eu autant envie d'un refermer un et de l'oublier à tout jamais... Il n'y a que le Vicomte de Bragelonne qui m'ait fait cet effet, mais ça c'est une autre histoire.
Il n'y a rien de plus triste et de plus tragique que la fin d'un monde. Rien de plus terrible que de voir un héros triste, seul et vulnérable. "La Mort du Roi Arthur", c'est tout cela et cela laisse un gout de cendre et de larmes en bouche.
Grâce au Roi et à ses chevaliers, le royaume était en paix et la concorde régnait entre les clans et les hommes. La fin'amore régnait en maîtresse, à égalité avec l'amitié et la prouesse. le monde d'Arthur était un monde idéal pétri de grandeur. C'était sans doute le rêve des auteurs des différentes branches de la légende et Camelot devait être le reflet de leur désir...
Le roman s'ouvre alors que la quête du Graal, l'ultime quête, s'est achevée: Galaad aurait été emporté au Paradis après avoir trouvé la coupe légendaire de Joseph d'Arimathie, Perceval a trouvé la mort dans son ermitage et Bohort rentre enfin chez lui. Lancelot, le beau Lancelot est toujours déchiré entre son amour fou pour la reine Guenièvre et sa loyauté envers Arthur. Il y a bien des mécontents à la cour mais ils sont encore fidèles et attachés au roi.
Comme souvent en littérature, c'est par l'amour que le malheur fait son entrée: Lancelot ne peut résister à sa passion pour la souveraine et lui qui s'était juré de ne plus jamais la revoir renoue avec elle. Les amants ne sont pas assez discrets (mais quels amants le sont vraiment?) et leur secret est éventé... Arthur ne peut plus ignorer la trahison de sa belle épouse et de son meilleur ami. Lui qui n'était que tempérance, grandeur et grand coeur entre dans une rage folle. Guenièvre est menée au bûcher. Lancelot parviendra pourtant à la sauver...en versant le sang du jeune frère de Gauvain. le point de non retour est atteint... Arthur entre en guerre contre son meilleur ami et quitte la cour, laissant alors la scène au plus perfide des perfides, au plus manipulateur de tous: Mordred. Mordred le serpent qui à force de complots parviendra à prendre la place du roi jusqu'au combat final...
S'il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark, il y a quelque chose d'empoisonné au Royaume de Logres... L'idéal est cloué au pilori, sacrifié sur l'autel de l'ambition, de la cupidité et de l'orgueil. Les vertus chevaleresques sont jetées en pâture aux traître et à la cruauté des hommes... Tout le roman se fait le témoin de cette atmosphère délétère et de fin du monde; de ces tensions d'autant plus douloureuses qu'elles séparent des amitiés qu'on croyait éternelles. La réalité rattrape l'idéal et ça fait mal, à Arthur et aux lecteurs... Dans cette tragédie toute de sang et de mélancolie, de désespoir même, les personnages changent... Lancelot se laisse consumer par sa passion. Gauvain est un fat et Guenièvre pèche par vanité. Arthur -et c'est ce qui me brise le coeur le plus sûrement- est esseulé, vieilli, trahi... Lui qui a été si grand devient si vulnérable...
La langue est sobre dans ce roman mais elle décrit parfaitement la décadence du royaume, la fin d'un monde. Elle dénonce aussi et surtout l'éternelle brutalité des hommes, la violence dont ils ne sont pas capable de se départir et leur capacité à salir ce qu'il y a de plus beau.
Roman pessimiste et désespéré, La Mort du Roi Arthur est aussi l'un des plus beaux écrits de la matière de Bretagne, l'un des plus profonds, des plus émouvants, des plus poignants... (et après tout: "les chants les plus désespérés sont aussi les plus beaux (...) a dit le poète). A cet égard, les dernières pages touchent au sublime même si elles mettent en scène le plus insupportable.
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