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Critique de finitysend


La Saga de Njall le brulé est un récit anonyme écrit (au XIIIe siècle) par un maitre du genre Sagas islandaises (dont le nom est aussi inconnu que son savoir est grand) . le texte présente de nombreux Jarls et leurs hauts faits de guerre, privées ou non.
Il a ici une dimension internationale car le texte traite de la fin de l'aventure norvégienne en Irlande (1014) et des toutes premières avancées de la religion catholique dans l'ile (grosso modo autour de l'an 1000).
Si on passe sur les litanies généalogiques inévitables , sur la difficulté des noms de personnes et sur celle des noms de lieux et sur la bizarrerie fréquente des comportements ou du moins sur le regard qui est porté sur eux dans le texte ,cette lecture est une fenêtre pour un plaisant voyage temporel.
C'est un récit très avenant globalement aussi incroyablement vivant que minutieux ,tout en détails variés. Ces détails donnent au texte une grande intimité pour le lecteur avec l'époque de sa rédaction. On est de plein pieds dans cette Islande médiévale.
Sans anachronisme qu'on se le dise ,la fraicheur de ces pages est indiscutable et délicieuse. La narration est simple, éloquente ,sans fioritures , circonstanciée et évocatrice. Il y a un élan poétique en prose bien rythmé qui se dégage de ces lignes soignées.
La civilisation islandaise et païenne s'offre intimement au lecteur de ces pages. le texte est sanglant et très juridique et on y entrevoit d'autres sujets de société , comme la parenté , le droit et les droits, le statut des femmes ,les héritages et les entreprises de pillages au-delà de l'océan et leurs organisations "dotales".
Le cadre géographique est posé dans ce texte qui indirectement diserte sur les sources de richesses rurales , sur les ressources locales, sur les paysages et sur certains usages païens ou encore sur les structures des familles élargies implantées en fermes isolées.
Pour info l'Islande est un territoire exclusivement rural composé de fermes et de « comptoirs » isolés (et plus tard de lieux de culte ecclésiale tout autant isolés). Les nombreux lieux dit peuvent abriter officiellement de véritables institutions plus ou moins locales (le Thing et ses répliques par exemple ou des lieux de cultes). L'Islande n'est pas une république démocratique. La plupart de ses habitants sont libres mais l'ile se constitue en une oligarchie de Jarls qui ont une certaine représentativité locale en tant que détenteurs du pouvoir ,des richesses et responsables des collectivités (familles élargies).
Pour appréhender la vie et le droit islandais au travers des Sagas on peut lire le très agréable ouvrage de Régis Boyer ,Moeurs et psychologie des anciens islandais ,d'après les sagas de contemporains,.
A l'époque évoquée dans cette Saga vivante L'Islande est encore un territoire colonial de peuplement mais le pays possède déjà une structure propre très forte. Les colons libres sont norvégiens ils sont fréquemment en rupture de ban avec leurs territoires d'origines mais pas toujours.
Ce n'est que beaucoup plus tard que le roi de Norvège prendra officiellement le control officiel de l'ile tout en respectant intégralement les usages locaux. Avant les norvégiens il y eu quelques Papars , des ermites d'origine celtique, prêtres ou non. Les textes mentionnent leur antériorité et ne parlent jamais de leur persécution, de leurs reconnaissance ou de leur intégration à la nouvelle vie locale. le nom de Papars est intéressant car il souligne anciennement une référence à la prêtrise qui a fondamentalement des analogies avec la magie (les sacrements) et qui donc peut-être est un nom qui corrobore une forme de reconnaissance sociale ou une identité élaborée. de simples ermites sans prêtrise n'auraient peut-être pas étés appelés Papars. Les Papârs sont clairement mentionnés mais ils n'ont pas de rôles magiques ou religieux connus. Par ailleurs de très nombreux esclaves d'origines celtiques (Irlande, Ecosse principalement ) accompagnèrent les colons norvégiens. Ils étaient sans l'ombre d'un doute la moitié de la population islandaise ,ce dont le phénotype et la génétique des islandais contemporains se font l'échos éloquent. Là encore rien de celtique ne transparait dans les usages islandais et dans l'énoncé dès pays d'origine des habitants de l'ile et la Saga de Njall le brulé ne fait pas exception à la règle. Parmi ces esclaves (prises de guerre) ,était probablement niché le christianisme ,mais de manière non organisée, sans prestige et dans une indifférence totale, dont les textes absolument silencieux se font l'écho clair et unanime.
Un petit clin d'oeil pour conclure .Les généalogies et la complication des noms de lieux gênent vraiment la lecture spontanée et facile des textes tel que cette Saga de Njall le brulé .Mais sachez que dans des proportions inconnues dans le monde entier les islandais contemporains possèdent une généalogie détaillée, très ancienne et très accessible. Les Sagas sont les parties principales d'une connaissance généalogique très étendue. Il existe un ,Livre des islandais, qui est ancien et continuellement alimenté. C'est un véritable bottin qui plonge efficacement dans le temps.
Les généalogies étaient comme ce Livre des islandais une source de légitimité et le moyen précieux pour éviter des unions incestueuses, potentielles , déconseillées et illicites.
A mon humble avis le principal attrait de la Saga de Njall le brulé repose sur son ton agréable et sur sa simplicité mais aussi sur son intérêt pour la connaissance de la médiation en tant que phénomène social et juridique et enfin sur la portée pratique de la parole dans cette société médiévale complexe qui repose sur une oralité complexe et structurée.
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