AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de montmartin


Abad 13 ans réfugié libanais, habite à Paris rue Léon, ici c'est Barbès le quartier de la Goutte-d'Or. Sa rue a la gueule d'une rue bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais. Une rue parsemée des vomis des clochards et des seringues des toxicos. Un refuge d'éclopés, de cassos, d'âmes fragiles. Les prostituées côtoient les drogués et les « Barbapapas », les islamistes qui gangrènent le quartier.

Abad est obsédé par ce qu'il a dans son slip. Alors il pratique « la branlette », le seul sport des garçons de son âge, tout en rêvant aux filles. Comme celle d'en face, un visage de princesse au milieu des ordures, bientôt revêtue d'un tissu noir qu'on lui a imposé quand elle est devenue femme.
« Une fille, ça s'échappe pas. C'est un oiseau dans une cage fermée à double tour. À moi, des ailes me poussent. Je me suis souvent blessée en essayant de les couper. »

Un roman réaliste porté par une langue crue, souvent vulgaire, mais qui sonne juste dans la bouche de ce jeune garçon, une plongée dans un monde qui est une ville dans la ville avec ses règles, ses caïds, ses laissés pour compte. Sofia Aouine à travers les yeux d'Abad 13 ans, une sorte de Gavroche d'aujourd'hui qui nous entraîne dans son quotidien. J'ai été touché par ce récit, principalement par les portraits tendres de femmes au passé douloureux. Ethel la psy, la femme qui « soigne de l'intérieur », marquée par le drame de sa famille juive. Odette, la vieille voisine, elle lui lit des livres et lui raconte des histoires à dormir debout et puis sa mémoire qui lâche, elle se souvient parfois, mais cela devient de plus en plus rare. Gervaise, une Africaine qui tapine pour rembourser une dette qui n'en finira jamais, et retrouver enfin sa fille au pays.
« Vous savez, une pute, c'est une belle qui a grandi trop vite. Même si vous pensez que c'est juste une pute, je le sais et je vous le dis, une pute, c'est une maman aussi. »
Toutes ces femmes vont donner de la tendresse et de la chaleur humaine à cet adolescent qui en manque terriblement.

Ce roman aborde des thèmes très actuels, le sort des mères et surtout des jeunes filles emprisonnées par la religion de leur père, La montée de l'islamisme dans les quartiers avec des jeunes hommes, jihadistes de carnaval, qui se vantent d'avoir passé quelques mois en prison, d'avoir tenté le Jihad en Syrie et d'être fiché S. La violence des pères.
« On est beaucoup dans ma rue, et même au collège, à être élevés par des droites et qu'on fait taire avec des bonbons. La principale religion à la maison s'appelle le silence. Pour éviter les problèmes et espérer être un peu heureux, la tactique à employer est de fermer sa gueule, baisser la tête, raser les murs. Alors c'est ce qu'on fait, maman et moi. »

Deux regrets cependant, l'auteur insiste beaucoup trop sur les désirs sexuels d'Abad et cela devient un peu répétitif. Ensuite elle entrecoupe son récit de deux histoires courtes vécues par deux femmes et cela aurait sans aucun doute mérité que l'on s'y attarde davantage.
Heureusement que l'écriture semble légère, grâce à la fraîcheur du narrateur, car en fait derrière se cache une histoire terrible, la réalité des certains quartiers sensibles, et comme toujours ce sont les femmes qui en payent le plus lourd tribut. C'est d'une tristesse infinie.


Commenter  J’apprécie          181



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}