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Critique de NMTB


NMTB
23 février 2018
Ce qui m'a d'abord plu c'est la clarté du propos. Il n'y a pas d'obscurité, tout est abordable, ordonné et bien écrit, avec sobriété. le but de ce livre est pédagogique, Antoine Arnauld fait beaucoup de comparaisons et étaye son propos de nombreux exemples ; un exemple n'est pas une preuve diront les philosophes, mais ça permet de comprendre plus facilement. L'ouvrage est divisé en quatre parties qui correspondent aux quatre facultés de l'esprit : La première sur la conception des idées (elle intéressera particulièrement les philosophes), la deuxième sur le jugement (comme c'est en grande partie la suite de la Grammaire de Port-Royal, et qu'elle en reprend d'ailleurs des passages, il y est beaucoup question de syntaxe), la troisième sur le raisonnement (de la logique pure) et la quatrième sur la méthode (qu'on peut qualifier d'embryon d'épistémologie).
J'avoue n'avoir que survolé tout ce qui est consacré à l'analyse détaillée des syllogismes dans la troisième partie, Arnauld le permet puisqu'il écrit lui-même que ce sont « des choses subtiles et nécessaires pour la spéculation de la logique, mais qui sont de peu d'usage ». Utile pour exercer sa logique, mais il est fastidieux de devoir assimiler tout un nouveau vocabulaire. Les syllogismes, bien classifiés et étudiés d'une manière exhaustive, sont certainement parfaits dans leur mécanisme, ce qui est très important, mais ça s'arrête là, car, comme le fait remarquer Arnauld, « s'il arrive jamais qu'on pèche contre les règles des syllogismes, c'est en se trompant dans l'équivoque de quelque terme », et ça, la logique n'y peut rien.
Si c'est un ouvrage assez pratique pour s'initier à la logique et qu'il n'essaye pas de prouver un système, il n'empêche qu'il est imprégné de son temps et de réflexions personnelles. D'abord très religieux, évidement, très catholique. A plusieurs reprises Arnauld s'en prend aux protestants, il essaye de démontrer le bon fondement des doctrines catholiques sur la transsubstantiation, l'autorité de l'Eglise ou la vénération des saints.
Plus généralement, il revient souvent sur sa conception de l'âme et voit, par analogie, dans les dernières avancées scientifiques sur la gravitation et le magnétisme la confirmation de ses idées : une force extérieure et immatérielle peut exercer une action sur les corps. Ainsi, l'âme, définie comme « une substance qui pense », « ce qui est en nous le principe de la pensée », est elle aussi immatérielle et indépendante du corps. A travers Saint-Augustin, Antoine Arnauld se présente comme davantage platonicien qu'aristotélicien, il critique Aristote et méprise l'obscure scolastique du moyen-âge.
Hobbes est aussi critiqué, tandis que Descartes est une référence estimée, particulièrement dans la dernière partie. Cette dernière partie sur la méthode pour acquérir le savoir est très sérieuse, elle se base sur l'exemple de la géométrie, mais à la fin Arnauld étend son sujet à la connaissance des évènements du monde et à la foi. Par exemple, doit-on croire aux miracles ? Ce qui est intéressant c'est qu'il en vient à en faire une question de probabilité et il en tire une excellente morale sur les espérances et les craintes.
Car la cause finale de la logique n'est pas d'acquérir un savoir inutile et purement spéculatif mais elle a un but morale. Cette idée-là n'est vraiment pas en vogue et elle est d'autant plus intéressante qu'elle est essentielle pour Antoine Arnauld. Beaucoup de passages du livre sont des considérations morales. La morale de Port-Royal s'oppose à celle des sceptiques, avec Montaigne à leur tête, dont la vanité est blâmée pour avoir osé écrire un livre dont il est le principal sujet (autres temps…). En tout cas, elle est pleine de riches observations, qui n'ont jamais été plus d'actualité, sur le comportement des hommes, notamment lors des disputes et des débats. En lisant ce livre on s'aperçoit que la fameuse austérité de Port-Royal provient d'une rigoureuse logique.
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