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Critique de LaBiblidOnee


C'est un petit moment suspendu que ce roman, d'une auteure anglaise devenue comtesse prussienne une fois mariée. En cet été de fin de 19ème siècle, pour une fois, elle aimerait être seule - c'est à dire avec son mari, ses enfants, ses domestiques et jardiniers, mais sans visites ni réceptions mondaines : juste elle et son jardin, son magnifique éden, havre de paix où elle s'adonne à la contemplation et à la lecture et donc, est heureuse. Consciente qu'elle passe alors pour une originale, c'est en lisant Thoreau qu'elle nous explique cette lubie. Elle le lit naturellement près de l'étang, là où le seigle chatouille le ciel et où les azalées éclaboussent le paysage de leurs jolies couleurs, « tandis que d'innombrables grenouilles lancent tout autour leurs croassements d'amour ». Joli clin d'oeil à ce passage de Walden que j'aime tant !


Elle lève ensuite le voile sur ses autres auteurs préférés : Elle a pour chacun d'eux une heure de lecture de prédilection ainsi qu'un coin du jardin attribué. On y croise Goethe, bien sûr, ou encore Jane Austen, avec qui l'auteure a en commun le recul un peu ironique avec lequel elle regarde la société et les moeurs de son temps. Comtesse, elle ne peut malgré tout s'affranchir éternellement de certaines obligations telles qu'accueillir un régiment, ou veiller sur les « petites gens » du village. Ces occupations donnent lieu à des réflexions intéressantes (datées pour certaines, édifiantes parfois, extrêmement modernes pour d'autres), nous familiarisant avec le contexte. L'auteure est avant-gardiste pour l'époque, elle qui voudrait pouvoir exercer un métier : celui de jardinier pour savoir faire fructifier tout ce que la nature a de merveilleux à nous offrir ; ou encore gardienne d'oies, pour la contempler à loisir.


Faisant fi, jusqu'aux limites de sa bonne conscience et de ses devoirs, des conventions sociales qui lui assignent un rôle trop étriqué pour elle, la comtesse nous initie à la contemplation comme inspiration à l'émerveillement face aux beautés et aux joies simples de Dame Nature, à la sagesse d'une vie plus épurée à l'extérieur mais plus riche à l'intérieur pour retrouver du sens, à une forme de méditation aussi, de retour vers soi loin du paraître mondain, pour se retrouver sans fard face à soi-même, juste pieds nus dans la rosée (sacrilège, si les gens la voyaient il la feraient interner à coup sûr), en savourant les apprentissages de ses livres préférés. Heureusement, ses « bébés d'avril », de mai et de juin sont de délicieuses poupées pleines de vie, et celui qu'elle nomme l'Homme de colère montre une bienveillance amusée à l'égard de ses « caprices » féminins.


Peut-être porte-t-il mieux son nom dans les autres opus que je n'ai pas encore lus : L'auteur, Mary Beauchamp, a en effet écrit d'autres faux journaux intimes comme celui-ci, toujours signés par son double fictionnel, Elizabeth von Arnim. Elle offre ici le décalage charmant de son regard anglais sur sa société d'adoption allemande : 160 pages comme une bouffée d'air frais et humide de printemps, porté par une plume d'époque soignée et bien tournée. Une pause rafraîchissante !
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