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Critique de migdal


Mathieu ARON et Caroline MICHEL-AGUIRRE ont interrogé des dizaines de fonctionnaires, d'élus et de consultants pour comprendre comment l'état abandonne ses pouvoirs régaliens au profit de sociétés privées qui réalisent d'immenses profits … et échappent en grande partie à l'impôt.

Bourré d'anecdotes et d'exemples précis, cet ouvrage est captivant et instructif et les auteurs apparaissent comme de véritables « lanceurs d'alerte » dénonçant un régime corrompu et impuissant.

"Le pouvoir ne se prend pas, il se ramasse" énonce l'adage et cette enquête montre qu'un gouvernement obnubilé par « l'urgence » et les médias, finit par ne plus rien piloter et est condamné à abdiquer au profit de puissances extérieures.

Les « cartes grises », les « excès de vitesse » constatés par les radars et les voitures banalisées sont désormais dans les mains de sociétés privées, et ne sont que la face visible de l'iceberg.

Le gouvernement, incapable d'anticiper, d'appliquer les plans de crise, a paniqué face au COVID et a, dans la précipitation, confié à des cabinets des contrats faramineux : en neuf mois de crise sanitaire McKinsey a facturé 10,7 Millions témoignant ainsi de la perte de compétence du ministère de la santé.

Des cabinets conseils sont intervenus lors de la crise des gilets jaunes pour analyser les cahiers de doléances et établir des listes de propositions au gouvernement. A quoi servent nos élus ?

Emmanuel Macron, dès son passage à Bercy a fait appel à des consultants pour des analyses, un grand audit et alimenter son programme électoral. McKinsey a été payé 4 millions d'euros pour la réforme avortée des APL.

Puis les gouvernements ont multiplié les missions confiés à ces cabinets (Bain, BCG, Cap Gemini, Roland Berger) qui collectent ainsi énormément d'informations confidentielles et identifient les donneurs d'ordre ce qui les place en situation de force lors des appels d'offres ultérieurs.

Les données collectées « data crunching » par les consultants sont stockées sur des serveurs états-uniens (AWS et concurrents) et avec la législation Cloud Act, les USA peuvent exiger en prendre connaissance.

Des liens incestueux se nouent entre la caste des gouvernants et l'aristocratie des consultants : le Directeur de McKINSEY en France, Victor FABIUS, est le fils de Laurent FABIUS, président du Conseil Constitutionnel. Les auteurs pointent les connivences avec la fondation Montaigne et l'influence des Big Four sur les Grandes Ecoles et certains Think Tanks.

« Les infiltrés » pointe l'incompétence NUMERIQUE de l'état. Chaque projet informatique se transforme en gouffre dépassant délais et budgets initiaux. le projet Louvois prévu pour gérer la solde des militaires a du être stoppé pour limiter les dégâts. Sur 2 millions et demi de fonctionnaires, seulement 17 000 sont informaticiens, soit 0,68% de l'effectif, et combien savent réellement coder ?
Sur qui l'état peut il s'appuyer pour exercer la Maitrise d'Art et contrôler la maitrise d'oeuvre ?

En dépit de la pléthore de fonctionnaires (cinq millions et demi) l'État échoue à trouver les compétences indispensables.

Le secteur de la santé paye un lourd tribut aux décisions dictées par ces cabinets conseil avec la suppression de 80 000 lits en 20 ans et 20% des lits inutilisés par manque de personnel à l'automne 2021.

A la lecture de ces constats le Sénat vient d'investiguer sur « l'influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques », et a publié un rapport et une synthèse (http://www.senat.fr/rap/r21-578-1/r21-578-1-syn.pdf) qui fournissent des données comptables incontestables.

Les prestations facturées aux ministères sont passées de 379 Millions en 2018 à 894 Millions en 2020 (2,4 Milliards en 4 ans) et sont en forte accélération en 2021 (+45%). A ceci s'ajoutent 172 Millions pour les opérateurs publics (évaluation faite sur 44 opérateurs représentant 10% de ceux ci).

C'est donc plus d'un Milliard par an qui tombent dans les caisses des cabinets. McKinsey n'a pas payé d'impôt sur les sociétés en France depuis 10 ans alors que son Chiffre d'Affaires atteint 329 Millions en France en 2020. le sénat a demandé l'ouverture d'une enquête judiciaire et transmis au parquet ses observations.

Le scandale révélé par « Les infiltrés » fait moins de bruit que le scandale ORPEA dévoilé par « Les fossoyeurs » car la situation internationale monopolise les médias.

Raison de plus pour lire, comprendre et réagir.

Car chacun paye « ce pognon de dingue » avec ses impôts.
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