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Critique de Tempsdelecture


Pour ce nouveau titre des Éditions La Croisée, nous retournons aux Etats-Unis, sur une île qui existe réellement, mais qui apparaît ici sous un nom créé par l'auteure nord-américaine, Hannah Lillith Assadi, dont c'est le premier roman. Elle nous emmène au sud de la Géorgie, sur l'île de Lyra, un double fictif de l'île de Cumberland, avec sa zone naturelle protégée, sa petite ville, ses quelques habitations privées, son océan caeruléum, ses constellations ancrées dans un ciel azur. Une île dominée et exploitée par une famille d'exploitants miniers, les premiers colons de l'île, la famille Clarke qui l'occupe toujours ici et là. Le récit se passe à travers la maîtresse de l'un des domaines, Elle Rainier, épouse de Simon, atteinte probablement d'une forme de démence qui lui fait perdre pied ainsi que la mémoire : le passé se confond allègrement avec le présent dans la tête de la femme septuagénaire.

Elle est la femme de Simon, mais c'est avant tout Gabriel qui compte pour elle, c'est son nom qui vient avant tout chose, au réveil comme au début de ce printemps, d'une année que l'auteure a découpée en saisons. Tout débute le 13 mai 1997, sur l'île, avec laquelle elle cohabite depuis plus de cinquante ans, dans une immense demeure qui la surplombe. Une arrivée à trois, Simon, Gabrielle et Elle, un trio intrigant, qui ne manque de soulever des interrogations. À travers le voile de sa mémoire défaillante, mêlant avec confusion un passé qui ne devient plus si lointain, un présent qui s'éloigne de plus en plus, Elle va raconter l'histoire de sa vie, les événements qui l'ont amenée dans ce coin de nature isolé, aux richesses naturelles aussi indénombrables qu'inaccessibles, comme cette année présente. 

Si, avec Simon, issu d'une famille richissime, le mariage était arrangé avant même que Elle ne fasse sa connaissance, c'est vers l'exact opposé de Simon que la préférence de Elle se tourne, un amour de jeunesse, qu'elle a entretenu, en cachette, parce que, sans métier, sans activité fixe, sans foyer, sans famille, Gabriel est l'un de ces saltimbanques qui ne savent ou ne peuvent pas se fixer. C'est un amour illicite, illégal, qu'elle amène avec elle sur l'île avec un Simon, qui possède également son lot de mystères. Et L'île de Lyra possède les siens, à commencer par ses trésors enfouis dans les sous-sols marins, des diamants de bleu céruléen, aux étoiles qui ponctuent ses cieux, à l'image de la constellation Lyre dont elle porte le nom.

Le récit, par sa forme, est très surprenant du fait qu'il fond présent et passé en une seule temporalité, rendant aux souvenirs qui affluent ponctuellement à la surface de la conscience de Elle une intensité vivace, comme si le poids des années ne pesait en rien. Réciproquement, le présent est ponctué de ces trous de mémoire, qui détache Elle de la réalité, creusant ce décalage dans lequel elle semble évoluer constamment entre vivants et morts, dans son propre monde. Son monde dont l'onirisme naît du décor merveilleux de l'île, enveloppée dans cette brume de mélancolie voluptueuse, et qui accompagne ce passé spectral.

L'esprit même du roman possède des effluves d'encaustique, qui n'est pas sans rappeler ces romans de la guerre de sécession - la Seconde Guerre mondiale rode ici en arrière-plan et hante les esprits de tous - habité par une famille Rainier, une famille Clarke ancien propriétaires, colonialistes ayant chassé les indigènes insulaires. Il détient aussi une sorte de poésie qui se révèle dans les descriptions sur le mystère insaisissable de l'île, celui du caeruleum, de la beauté de ses éléments, et de cette douce mélancolie qui perdure jusqu'aux derniers jours de l'an 1997 grâce au disque rayé de cette mémoire cyanosée.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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