AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ClaireBangert



(…) Il est libre Max, il est libre Max!
Y'en a même qui disent qu'ils l'ont vu voler(…)

Plus rien ne s'oppose à la nuit de Michèle, aussi magique et improbable soit-elle.
La nuit, elle vole.
Elle quitte les méandres de sa vie pourtant si bien agencée et prend l'air, littéralement.
Histoire d'elle, histoire d'ailes, sans cire et sans plumes.
Michèle, l'ascensionniste, mène une vie diurne des plus conventionnelles.
Architecte, elle conçoit des bâtiments, envisage des perspectives et des lignes de fuites en deux dimensions.
Avec son mari, Guillaume, ils règlent leur existence comme du papier millimétré, et l'équilibre apparent de leur quotidien n'est troublé que par la mauvaise grâce que leurs locataires mettent à payer – ou pas- les loyers des appartements qu'ils ont rénové avec soin.
Aussi quand Michèle rêve d'apesanteur, et surtout se réveille loin des draps conjugaux, au sommet d'une montagne ou sur le clocher d'une église, provoquant des attroupements de curieux, le pragmatisme de son mari est mis à l'épreuve.
D'autant qu'à force de tutoyer les étoiles, elle est en passe de devenir une star. Contre son gré, d'abord, puis avec son timide mais ferme consentement. Une cour d'admirateurs bienveillants et d'agents d'artistes avides de reconnaissance, aussi, l'approchent, tandis que Guillaume s'éloigne de cette fantaisie, qui n'a de militaire que le rythme imposé à ses lévitations publiques.
Ecrite au présent et à la première personne du singulier, cette parabole moderne, sous la plume (la bien-nommée) fraîche, vive et délicate de Michèle Astrud, puise dans nos fantasmes et dans le rêve ultime de tous les Icare que nous sommes pour traduire nos préoccupations contemporaines et nos relations à ce monde qui n'en finit pas de tourner, avec ou sans nous, oscillant selon les jours entre dystopie et utopie.
Le labyrinthe de l'ascensionniste-architecte n'a rien à envier à celui du célèbre Dédale et renferme au moins d'aussi lourds secrets de famille que l'existence du Minotaure, des mythes que la narratrice distille au fil de ses envolées para-somniaques comme autant de fils qui pourraient l'empêcher, ou la contraindre, à voler.
L'univers de l'auteure, déjà exploré sous d'autres formes dans ses deux précédents romans, demeure fidèle à ces sujets qui lui sont chers : la filiation, l'hérédité, la cupidité ou l'humanité dans ce qu'elle a de plus vil, ou de plus beau.
Digne héritière De La Fontaine ou de Voltaire, Michèle Astrud, dans cette fable intime et solaire, sait transcender notre première lecture pour nous donner à voir la lumière cachée derrière le conte, apôtre laïque d'un évangile païen érigeant la liberté et le lâcher-prise comme uniques saluts.

(…) et que ne durent que les moments doux (…)
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}