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Critique de Maldoror


Eric Cantona ou Don Quichotte d'outre-Manche, footballeur errant.

D'emblée, évoquons ce qui est facile.
- Eric Cantona est un très grand footballeur !
- Il a marqué pour longtemps de son empreinte le football anglais et même français (si, si) dans les années 90.
- On lui voue encore un culte dans la ville de Manchester une quinzaine d'années après son départ.
Voilà, ça c'est fait.

Là où ça se complique, c'est quand on veut parler de tout le reste. Là l'unanimité est moins flagrante. Car le monde (il n'y a que le monde qui soit à l'échelle du King Eric !) se divise en deux camps : les adorateurs et les détracteurs. Il n'y a visiblement pas d'entre-deux possible. Ou alors vous êtes nés après sa retraite sportive (et encore !) ou vous ne savez pas que le football se joue avec les pieds (et là de toute façon vous êtes perdu pour la cause).
Quant à l'auteur, il a choisi le sien à l'aise. Il avoue même qu'il a écrit une chanson sur Canto (il admet cependant que c'est la pire qu'il n'ait jamais écrite, et qu'il a eu la décence de ne pas l'insérer dans son livre) ! En tout bon journaliste, il se doit bien sûr de garder son objectivité, mais en devenant le roi de la litote cantonienne il n'y a pas trop de doute sur ses penchants.
- Quand l'équipe de Cantona gagne, c'est forcément grâce à lui.
- Quand son équipe a gagné sans lui, c'est sur l'élan qu'il a donné.
- Cantona n'a pas un sale caractère, il est fier et entier.
- Cantona n'est pas un être instable, il est sensible et submergé par ses émotions.
- Ce n'est pas Cantona qui est ingérable, ce sont des machinations de vilains méchants qui le font croire.
- Cantona n'est pas fantasque, il est un artiste.
- Cantona n'est pas violent, juste indiscipliné.
- Cantona n'est pas puni pour ses fautes, il est un bouc émissaire condamné pour l'exemple.
- …

Bon mais qui est-il vraiment ?
En synthèse, l'image de Don Quichotte permet de guider l'appréhension de notre héros. En effet, le symbole du chevalier errant exprime à la fois une certaine noblesse, une fierté, une droiture, une part de mystère, des idéaux, une quête d'un destin plus grand que lui et aussi la marginalité. En outre, l'errance a été une réalité physique pour Eric Cantona puisque pendant des années il a été baladé de club en club (8 équipes en 8 ans, en restant parfois moins d'une saison) ! Son errance a également une dimension psychique de par son éternelle insatisfaction et une grande instabilité, sûrement liées à des tensions entre de forts doutes sur qui il était vraiment ou souhaitait être et une opinion stratosphérique sur l'ensemble de ses capacités.

Mais dans Don Quichotte, il n'y a pas que le chevalier errant. Et là c'est forcément moins glamour que le Rambo moyenâgeux en armure, seul contre tous, adulé des damoiselles. Y a aussi les moulins ! Et là y en a même un paquet ! En effet, ses réactions entières et sans nuance, sous-tendues par une fierté exacerbée l'ont souvent conduit à des comportements outranciers, incompréhensibles et quasi-psychotiques qui ont plusieurs fois été à l'origine de scandales qui ont ruiné le développement de sa carrière et ont conduit à sa retraite prématurée, qualifiée de suicide par l'auteur. Car, dans Canto, il n'y a pas que le héros qui balle au pied tire et marque des buts, mais aussi l'autodestructeur qui en butte à ses manques se tire des balles dans le pied.

Un tel portrait, un tel destin constituaient une matière de choix pour un livre réussi. Et Philippe Auclair a su saisir la balle au bond dans un ouvrage agréable qui apparaît comme éminemment bien renseigné et dans lequel l'auteur ne reste pas en retrait, ce qui rend l'oeuvre plaisamment vivante.
God save the King !
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