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Critique de isanne


Ils se nomment Léo, André, Martine, Antoine, Marguerite, Gatita, et il y a encore tous les autres...
Ce récit évoque leur royaume, celui de l'enfance. de ces étés partagés dans les collines, la Camargue, là où le thym embaume, là où les lapins folâtrent dans les buissons, là où les chemins mènent vers les découvertes, où les étoiles scintillantes dans le noir du firmament attendent d'être décrochées et gardées, dans les poches, comme des trésors éternels.

Il y a ceux qui vivent là à demeure, parce que leurs pères travaillent au village, parce qu'ils y vivent en communauté et il y a ceux qui viennent y passer les mois d'été. Ceux qu'on espère et qu'on attend tous les ans : ils sont le sablier du temps, leur métamorphose écrit les mois qui passent, leur croissance repousse les limites du royaume.

L'été devient le temps des découvertes, le temps de la bravade, le temps pour nier l'interdit. Ils gambadent dans les collines, vont se baigner dans la rivière, dans le canal à l'insu du garde. Et puis L'Oncle, les emmène : il est cet adulte qui "dit" les histoires, de celles qui font s'envoler les esprits, il est celui qui les emmène au bord de la mer dans une randonnée à cheval où le plaisir de passer une nuit à la belle étoile le dispute aux craintes des esprits de la nuit…
L'Oncle cet être fantasque, marginal, celui qui habite la liberté…

André qui vient, tous les ans, vivre ces semaines chez ses "tantes", découvre une autre vie : il peut s'évader la nuit tandis que ces dernières sont endormies - enfin pas Clémence, esprit gracile, petit être toujours en activité, dont les sens vivent au diapason des mouvements d'André qu'elles ne contre pas, et qu'elle laisse vivre en pleine liberté. Pour elle, les nuits sont plages de lecture, à la bougie, les nuits sont des morceaux du temps qui lui appartiennent en propre et elle les partage avec ce petit garçon qu'elle chérit.
André passe ses journées à crapahuter et surtout suivre partout Gatita, celle qui connaît tous les secrets des collines et toutes les ruses pour se les approprier.

Il y a aussi le monde des adultes, un peu à l'image des paysages, immuable, inatteignable, un rempart dont on s'éloigne pour être entre-soi et pourtant réconfortant par sa présence. Un monde qui attire et qui est craint, un monde dans lequel on n'ose risquer un pas mais qui questionne par ses secrets et ses silences.

Au fil des étés, au fil des escapades, le temps s'égraine, les années s'ajoutent aux années, certains quittent le pays pour entrer dans une école qui leur donnera un métier, les autres reprennent le travail de leur père. Les lutins de l'enfance s'éparpillent, se quittent, se disent adieu...

Et quand André revient, "son monde" a changé, il y a ceux qui ne sont plus, ceux que les années encombrent, obligés d'écouter ce coeur qui claque comme les ailes de l'oiseau qui s'envole.
C'est le temps de quitter la parure des jeunes années, de l'insouciance, et de revêtir les habits plus sombres de la vie réfléchie des adultes. Et tout comme eux, les temps amènent les changements, la colline est moins sauvage, il y a moins d'animaux et d'oiseaux, il y a des zones industrielles qui poussent comme les champignons, le royaume s'éloigne, celui où les chiens galopaient truffes au vent, les pattes foulant les herbes parfumées. Désormais, on les tire comme les lapins qu'ils pourchassaient. Les conteurs se taisent et avec eux, disparaissent les récits enchanteurs, les vieilles dames ferment leurs yeux et leurs pâtisseries ne sont plus qu'un souvenir enchanté…

La confiance en tout disparaît, les rejets bourgeonnent, celui-ci qui n'est pas d'ici, celui-là qui vient d'un ailleurs : ne pas leur parler, ne pas les écouter, se fermer au monde et aux autres, se priver des richesses du partage, oublier la curiosité de l'enfance. L'âge adulte, qui fait disparaître les gardiens écoutés de l'enfance, fait aussi fermer les yeux à l'Autre, se recroqueviller, oublier qu'il existe d'autres légendes, d'autres vies, plus loin au delà des collines et de la mer...

Et Gatita , toujours forte, toujours libre, toujours elle-même, radieuse et décidée...


Un texte que j'ai trouvé magnifique, enchanteur, qui nous prend par la main et nous entraîne dans les pas d'André, à cheval derrière l'Oncle, volant dans les collines avec Gatita, ses secrets, ses superstitions, sa fierté et son courage...
Une écriture très originale et poétique pour dire l'amour de ces terres, de leurs légendes, et le parfum des jours d'enfance, trésor enfoui à jamais dans les âmes et les coeurs. Un texte qui dit le temps qui passe, les regrets, les peines, le regard qui se fait autre et la force qu'il laisse pour avancer au fil des jours…

Prêtez l'oreille, c'est Bédigue qui aboie. Humez, les herbes exhalent leurs senteurs enivrantes. Donnez votre attention, l'Oncle va vous emmener en voyage dans ses récits...
En un mot, quittez le temps présent, mais ne grandissez pas, au moins dans vos pensées, gardez ce regard bienveillant en toute chose et fermez doucement vos paumes sur les abeilles qui bourdonnent doucement comme autant de secrets de l'enfance qu'elles recèlent, ne les laissez pas changer trop vite de maître…
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