L'Étoile de l'Oregon

C'était sans doute ce qui lui plaisait en elle. Et aussi sa simplicité rafraîchissante, son amour des humbles, le respect qu'elle vouait à la nature... Et sa gaieté, good Lord ! Cette ardente gaieté qui se manifestait en tout temps et en tout lieu, par de grands éclats de rire ou des clins d'œil pétillants.

... Donc, si vous tenez à moi, je voudrais que vous sachiez une chose : j'ai toujours eu des goûts très simples. J'aime la nature, les animaux, les gens qui en prennent soin, même s'il leur arrive de sentir mauvais quelquefois. En revanche, j'ai une sainte horreur de la société bourgeoise, des mondanités et des cancans. Et je suis bien résolu à abandonner ma carrière politique avant même de l'avoir entreprise.

Il savait bien qu'elle éprouvait, au fond de son cœur, une impérieuse soif de tendresse. Sans doute craignait-elle, en se dévoilant au grand jour, de détruire dans l'esprit des autres cette image de femme forte qu'elle avait eu tant de mal à imposer...

Il est vrai qu'il ne s'agit pas d'une femme ordinaire. A elle seule, elle vaut toute la cavalerie des Etats-Unis. My goodness, quelle calamité ambulante !

Jamais il n'avait éprouvé un pareil bien-être : il mangeait à sa faim, couchait chaque soir dans un lit propre et frais; personne ne le battait plus ; il n'appréhendait plus les vociférations des contremaîtres, les crocs acérés de leurs chiens de garde. Pour la première fois de sa vie, il se sentait vraiment libre. Alors, il vouait à miss Sammie une profonde adoration. Le respect qu'il lui portait depuis son arrivée à Oaken Ridge se teintait maintenant d'affection.

L'argent était une chose essentielle dans l'existence. Sarah Hamilton le savait : elle en avait manqué lorsqu'elle vivait avec son pauvre Morris dans leur petit logement de Boston, aux premières années de leur union. Et puis elle repensait aussi aux difficultés qui les avaient assaillis à leur arrivée en Oregon : il ne leur restait plus un cent... Ils avaient emprunté à un usurier pour se procurer leurs premiers plants de pommiers et leurs premières têtes de bétail. Pendant quelques mois, Stephen avait même dû se louer comme garçon de ferme dans une riche propriété. Quelle humiliation pour une âme aussi fière...

Avec lui, mieux valait se maintenir dans les limites du raisonnable. Se montrer chatte et provocante en certaines occasions, juste assez pour l'enflammer. Puis, le moment venu, reprendre ses distances pour éviter de le choquer. Carole excellait à ce jeu subtil...

Mais ici, de manière générale, on a tendance à se méfier de l'érudition. Se battre avec la nature, travailler de ses mains, amasser le plus d'argent possible, voilà ce qui compte dans une région comme la nôtre.

Vous faites pas de mauvais sang. Comme dit l'autre, à chaque jour suffit sa peine. Demain, le soleil se lèvera. Il sera bien temps de se creuser les méninges.