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Critique de La-page-qui-marque


Je savais en entrant dans ce roman que le voyage serait particulièrement éprouvant mais je ne mesurais pas à quel point. L'autrice y fait résonner la voix des femmes irakiennes oubliées avec toute leurs souffrances. Si j'ai été éblouie par la construction narrative et l'intelligence du propos, « Nous avons traversé l'enfer » demeure un livre particulièrement difficile car traitant de sévices physiques et sexuels effroyables.

Janfida Bataman, juge irakienne d'origine kurde, revient de France où elle a fui pendant plusieurs années. Elle retourne en Irak pour recueillir la parole des femmes oubliées, pour tenter d'écrire ce que l'on n'entend pas. Elle est enlevée dès son arrivée par le partie Baas qui tente de reprendre par les armes le pouvoir sur un pays détruits. Dans les souterrains de l'organisation, elle rencontre des femmes de son pays et écoute leur traversée de l'enfer. Chacune porte dans sa chair les sévices infligés et aucun camp n'a les mains blanche. Sur les terres maudites d'Irak, les bourreaux ne semblent avoir aucune limite.

Au fil de ses déplacements dans les souterrains, Janfida entend la voix de plusieurs femmes issues de camps différents. Elle mesure l'incommensurable souffrance infligée aux femmes de tout bord. Elle est amenée à faire évoluer son jugement, à comprendre la complexité des rapports des forces. Au coeur du roman, se dessine l'enfer de la prison d'Abou Ghraib, l'horreur absolue commise par des soldats américains. Les témoignages des différentes femmes se répondent et se mêlent dans une construction narrative très habile. Jamais le lecteur ne se perd dans les récits enchâssés des femmes violentées. Au milieu d'elle de rares mais saisissantes voix masculines s'élèvent.

Au coeur de l'enfer, nous croisons les pires monstres, des hommes qui semblent n'avoir plus aucune once d'humanité. L'autrice raconte les tortures et les viols avec beaucoup de détails, offrant sa voix à celles qui ne peuvent plus l'élever. Elle se propose de témoigner de l'horreur vécue par les femmes d'Irak, d'offrir un espace où leur calvaire oublié puisse être raconté. La lecture est très souvent éprouvante, on avance dans le récit le coeur au bord de lèvre mais l'entreprise de l'autrice est tellement honnête et nécessaire qu'elle sonne toujours juste. En faisant dialoguer les différents camps, on pointant la complexité des influences politiques et la violence partagée des deux côtés, elle dresse un portrait terrifiant d'un pays à l'agonie. Dans le marasme des souffrances, celles du peuple kurde semblent plus terribles encore.

« Nous avons traversé l'enfer » regorge de qualités littéraires, notamment dans sa construction, mais n'est pas à mettre entre toutes les mains. C'est une plongée éprouvante dans l'enfer des femmes irakiennes, dans la souffrance la plus abyssale. Bravo aux éditions Michalon de publier un tel texte et de donner un écho en France aux voix kurdes, littérature bien trop absente chez nous.
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