AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de MicheleP


Le 18 septembre 2000, à Mostaganem (Algérie), une jeune comédienne de 21 ans, El hadja Menad, était aspergée d'essence par son frère et brûlée vive. Elle ne survivra que quelques jours à ses brûlures, dans les souffrances qu'on imagine ; l'assassin, lui, ne sera condamné qu'à…trois ans de prison avec sursis ! Dans un pays traumatisé par les années de violence qui viennent des s'achever, le meurtre passe presque inaperçu – rares articles dans la presse, pas de protestation du reste de la troupe de comédiens, déni de la famille…

Dalila Azzi reprend l'affaire, ni sous forme d'hommage, ni pour rendre justice, mais par un réquisitoire intransigeant contre toute les dérives sociétales, les imbécilités, les lâchetés qui ont conduit à un tel crime. Elle imagine le retour du fantôme d'El hadja, douze ans après, et une sorte de procès sur la scène du théâtre où jouent aujourd'hui ses amis comédiens. Procès sans concession du crétin de frère meurtrier, de la mère, du père, des amis. En fait, procès de toute une société engoncée dans le poids de ses traditions et de sa misogynie, dans le manque d'éducation, le refus, même, de l'éducation, l'imbécillité triomphante du machisme.
Tel que je vous le résume, vous pourriez croire qu'il s'agit là d'un ennuyeux roman à thèse. C'est tout le contraire : ce livre est un poème. Avec une langue incroyablement belle, une narrativité originale, puisqu'y alternent l'écriture théâtrale et l'écriture romanesque, le texte, qui commence dans la douceur du retour à la vie du léger petit fantôme revenus par les bords de la mer, et sa recherche étonnée d'un monde qui n'existe déjà plus, se transforme bientôt en un cri, de douleur, de rage, de malédiction. On vit de l'intérieur l'horreur de l'agonie d'une grande brûlée, son indignation devant l'indifférence et surtout – ce qui est peut-être surprenant, dans notre morale judéo-chrétienne – son refus de pardon, son rejet absolu de l'hypocrisie du pardon.
Et puis, affleure partout la fraicheur d'une joie de vivre brusquement détruite.
Un livre magnifique, éblouissant, un livre coup-de-poing que je conseille à tous ceux et celles qui pensent comme moi que « la femme est un homme comme les autres ».
(Publié par le Chèvre feuille étoilée, éditions féministes pour et par les « femmes des deux rives », ce livre, que j'ai eu la chance de lire en avant-première, paraîtra début juillet. Ce n'est pas tout à fait une lecture de plage, mais vous ne la regretterez pas…)

Commenter  J’apprécie          224



Ont apprécié cette critique (17)voir plus




{* *}