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Critique de Takalirsa


Un roman graphique très intense, autour d'une personnalité fascinante.
Certes la couverture n'est guère engageante, avec ses personnages au look quelque peu daté. Et puis l'on comprend que l'histoire se déroule dans les années 70 : l'auteur explique clairement dans son introduction qu'il souhaite « revenir sur la descente aux enfers de Jeff Dahmer, du gamin farfelu de 12 ans à l'ado luttant désespérément contre les pensées obscures qui le submergent, jusqu'au moment fatidique où il franchit le pas », autrement dit d'analyser les différents événements, dans sa famille, au lycée, qui ont fait que celui qui était pour lui un simple camarade de classe, et même un ami, pendant plusieurs années, est devenu – quasiment sous ses yeux – le « monstre pervers » que l'Amérique a découvert à son arrestation en 1991. Car tout était là, sous-jacent, sous leurs yeux, et personne n'a rien voulu voir - « mais que faisaient les adultes ? »... C'est donc d'un point de vue concerné, mais pas pour autant bienveillant, que Derf Backderf aborde son récit. Partant de ses souvenirs personnels, il a effectué de nombreuses recherches complémentaires (dans les transcription d'interrogatoires, les dossiers du FBI, les articles de journaux fiables, etc.), renforçant ainsi la crédibilité de son témoignage, loin de tout battage médiatique.

Au regard de tous ces éléments introductifs, on aborde le graphisme avec un intérêt aiguisé. Noir et blanc. Dessin un brin naïf au premier abord. Plans de plus en plus resserrés sur un marcheur, jusqu'à zoomer sur ses chaussures qui couinent. Et boum! Un cadavre de chat qu'il ramasse. En quelques vignettes, tout l'esprit du livre est là, condensé. C'est filmique, c'est intense, tout en niveaux de gris et jeux d'ombre. Des mots en gras dans le texte qui nous captent, presque de force, des décors et des personnages tout en rondeurs et en volumes, pour mieux nous enjôler. Mais ne vous y fiez pas : la mort est là, sous-jacente, derrière cette page, peut-être, que vous vous apprêtez à tourner... Toutes ces pulsions malsaines qui bouillonnent en Dahmer, cette « obsession des cadavres et des viscères » qui se dévoile peu à peu, tissant une tension toujours plus perceptible au fil des cases. Et ces feuilles d'arbres qui volent et tombent par-ci par-là, vous avez remarqué ? Jolie métaphore du psychopathe qui se révèle, qui se réveille.

« Comment en arrive-t-on là ? Quel est le point de départ ? », vaste question... En tout cas, le décalage entre Dahmer et les autres est flagrant dès le départ. Car en filigrane, ce roman graphique évoque le quotidien d'une bande de garçons d'une petite ville américaine dans les années 70, entre virées, soirées et « facéties d'écoliers ». Et Backderf a beau le qualifier d' « étrange ami », le serial killer en gestation n'est intégré au groupe que pour mieux s'en moquer. Au final, comme le dit le principal protagoniste lui-même, ce n'est que « l'histoire d'une vie misérable, pathétique et malsaine », mais si bien racontée qu'on prend le temps de la savourer encore et encore – je me suis plus d'une fois surprise à relire les planches ! - avec un insidieux sentiment de terreur exquise.
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