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Critique de Presence


Ce tome regroupe l'intégralité des 6 épisodes publiés par DC Comics en 2003. le scénario est Peter Bagge. Ce dernier dessine les épisodes 1, 2, et 5. le numéro 3 est dessiné par Stephen DeStefano, le numéro 4 par Johnny Ryan. le numéro 6 est composée de 2 histoires principales, l'une dessinée chacune par Johnny Ryan, l'autre par Stephanie Gladden.

Mel Bowling est l'auteur d'un comic-strip quotidien appelé "Freddie Ferret". Auteur, c'est beaucoup dire, puisqu'il est surtout le patron d'un studio de jeunes artistes qui produisent lesdits comic-strips pour son compte. Il y a Albert Post, le dessinateur qui aimerait bien faire son propre comics, mais qui n'ose pas. Il y a Nick Calimari, dégingandé et aigri avant l'âge qui est encreur, et il y a Carrie Hanks qui fait le lettrage et les bordures de cases. Pour assurer le secrétariat, la comptabilité et les affaires administratives, Mel Bowling emploie sa soeur Millie Bowling.

Au fil de ces 6 épisodes, l'équipe doit affronter une cérémonie de remise de prix (l'irascible Mel risque encore de voir un prix lui passer sous le nez), l'arrivée d'Elliot (un nouveau dessinateur, genre rasta). Un grand magazine souhaite optionner le comic-strip de Carrie. Millie pousse Albert à se lancer dans l'autoédition pour son comics de superhéros. Carrie organise un rendez-vous double pour Albert et Nick, toujours vierges, etc. Un amoureux transi de Carrie met le feu au pantalon de Neil Gaiman, lors d'une convention.

Avec cette série, Peter Bagge écrit dans le registre de la comédie parodique. Il est l'auteur de la série Buddy (par exemple Buddy does Jersey) et d'histoires indépendantes comme Woman Rebel: The Margaret Sanger story ou Other lives. Il dessine ses personnages comme s'ils étaient en caoutchouc, avec un sens inné de l'exagération à effet comique.

Dans la postface, Peter Bagge explique que l'idée de ce comics lui est venu lors d'un déjeuneur en compagnie de Joe Cavalieri, à l'époque un responsable éditorial chez DC Comics. le principe : écrire des histoires courtes sur un créateur de comic-strip âgé et grincheux.

Le lecteur plonge donc dans des histoires d'une dizaine de pages, fonctionnant sur le principe de la comédie de situation. Les personnages disposent essentiellement d'un trait de caractère principal, et réagissent aux situations. Par exemple dans la première histoire, le moteur principal en est le refus de Mel Bowling de laisser la place à un autre artiste, même s'il sait qu'il n'a aucune chance de gagner. Ses assistants et sa soeur sont inquiets à l'idée de sa colère lorsqu'il rentrera bredouille et sans prix.

Au fil des saynètes successives, Peter Bagge brocarde donc les prix remis à des artistes de peu de talent (dont les assistants font le gros du boulot), les velléités d'indépendance desdits assistants pour réaliser des comic-strips tout aussi pitoyables (et peut-être même plus immatures), l'absence de vie sociale des assistants, la tyrannie affective de Mel vis-à-vis de sa soeur, les conventions avec les fans enamourés (leur adoration allant vers Neil Gaiman), une cosplayeuse voulant à tout prix que quelqu'un la dessine, le fils caché de Mel Bowling, etc.

En fonction des situations, les gags peuvent être irrésistibles, ou juste sympas. Leur force comique doit beaucoup au dessinateur. À ce titre, Peter Bagge appartient à une catégorie à part. en regardant les personnages dans le détail, le lecteur peut se demander où il a appris à dessiner : dentition protubérante, nez en forme d'escargot, dos voûté au point d'être arrondi, lèvres énormes, bras en forme d'arc de cercle, yeux écarquillés ou réduits à un gros point noir... et le résultat est absolument irrésistible, plein de vie et de drôlerie. Ce n'est flatteur pour aucun personnage, et tout le monde en prend pour son grade, mais c'est aussi une représentation qui fait ressortir les émotions de chacun.

Alors que le lecteur aurait pu craindre que cette exagération permanente finisse par être fatigante, il n'en est rien. Ces acteurs sont à la fois des personnages de dessins animés pour la jeunesse, et à la fois des individus exprimant des angoisses profondes et des émotions adultes.

Les autres dessinateurs réalisent des pages en se conformant aux caractéristiques visuelles de Peter Bagge, sans retrouver le même équilibre fragile entre formes incongrues et vision d'ensemble hilarante. Stephan DeStefano et Johnny Ryan s'approchent de près du style Bagge, Stephanie Gladden en est un peu plus éloignée (en particulier du fait de l'usage de traits trop fins. En perdant un peu de l'énergie de Peter Bagge, les dessins perdent de leur potentiel comique, et l'humour repose alors plus sur le fil conducteur de l'intrigue. Certaines constituent une satire mordante (la convention), d'autres sont plus banales, en particulier quand elles s'aventurent plus sur le terrain des émotions affectives. Il apparaît également que les personnages manquent un peu d'épaisseur. Par exemple Elliot le rasta reste à l'état de stéréotype. Alfred Post reste à l'état d'afro-américain gros, avec zéro confiance en lui.

"Sweatshop" propose au lecteur de plonger dans le monde un peu hystérique d'un studio d'artistes travaillant pour un patron revêche. En fonction des dessinateurs, certains épisodes relèvent d'une sitcom agréable, d'autres d'une comédie grinçante irrésistible. Il faut le voir pour le croire : Millie Godman (environ 50 ans et en surpoids réel), costumée en déesse court vêtue (avec vergetures apparentes), ou encore Neil Gaiman avec son pantalon en feu.
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