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Critique de Henri-l-oiseleur


Influencé par la pression des médias et des revendications "LGBT", on pourrait lire le roman de Bai Xianyong comme un livre "sur l'homosexualité". Ce terme abstrait serait bien commode pour éviter de comprendre et d'apprécier l'histoire qui est racontée et les personnages qui s'y trouvent. Or, tous ces jeunes "garçons de cristal", tout prostitués qu'ils soient, sont aussi mille autres choses : des enfants, des orphelins, des vagabonds, des serveurs de restaurant, des fils, des miséreux, etc. Si, à la différence des romanciers contemporains, Bai Xianyong (né en 1937) évite les scènes de sexe et leur réalisme cru, ce n'est pas par pudeur, ou par peur de la censure, mais simplement, pour montrer la complexité de ses personnages, qu'un trop fort ancrage sexuel réduirait à un seul aspect de leur existence. Jean Genet romancier prend les mêmes précautions, qui rappellent ce que Marguerite Yourcenar disait des hommes et des femmes : l'on n'est jamais absolument, consciemment, un être mâle ou femelle à tous les instants du jour et de la nuit. Tout réduire, se réduire soi-même et réduire les autres à cette dimension serait appauvrir l'humain, s'appauvrir soi-même et la civilisation. La lecture de ces auteurs permet de se vacciner contre ces délires du "genre".

D'autre part, ce roman retrace avec beaucoup de poésie la vie quotidienne d'une série de personnages hauts en couleurs, ce qui donne beaucoup de charme à la prose de Bai Xianyong. Un "fil rouge" permet cependant d'unifier tous ces destins disparates : la question douloureuse du père. L'action se déroule à Taïwan, île peuplée d'anciens combattants et héros des guerres contre les Japonais et les communistes : l'honneur du nom et de la famille est primordial. Plusieurs personnages sont maudits par leur père quand il découvre leur penchant, et l'auteur est assez éloigné des sottises revendicatrices pour adopter successivement le point de vue du fils, et celui du père. En cela, il fait son travail de romancier. Dans un bon roman, le lecteur comprend que tout le monde a (ses) raisons. De plus, des figures d'hommes âgés assument parfois un rôle paternel dans le roman, par compassion ou pour d'autres raisons. Même, à certains endroits, des "clients" de ces garçons peuvent incarner provisoirement une fonction paternelle, nourricière, protectrice. Certains (comme le vieux photographe, ou "le Maître") font vivre la mémoire mythologique et légendaire de ce petit monde nocturne, en lui conférant une grandeur tragique.

C'est un très bon roman où "l'homosexualité" ne joue qu'un rôle marginal. C'est un roman de Taïwan vu des jardins publics.
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