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Critique de Chestakova


Un livre magnifique sur l'identité et la difficulté de l'assumer et de la vivre pleinement, pour ceux notamment qui diffèrent de tous les autres.
En évoquant ici de la réalité qui peut être vécue lorsqu'on est noir, lorsqu'on est homosexuel, James Baldwin évoque sans détour l'universalisme de ces questions tant les frontières de l'identité peuvent être incertaines et fragiles. Cette relativité de la différence place ainsi d'emblée chaque individu dans une humanité universelle.
La démonstration est toute entière portée par les personnages qui tissent le récit, Rufus, Vivaldo, Richard, Éric, Yves, Leona, Cass, Ida. La construction même du récit souligne encore le trait : Rufus à lui seul ouvre le livre avec un premier chapitre qui lui est entièrement dédié. 125 pages pour dire la souffrance d'être noir lorsque le regard des autres ne vous renvoie que cette image. Rufus, virtuose de la batterie, son père ne disait-il pas « Un nègre, vit toute son existence, il vit et il meurt en suivant un rythme… » ne réussit pas à se convaincre qu'il est un artiste de talent, qu'il est un homme capable d'aimer et d'être aimé. Ces certitudes le conduisent à décrocher du réel, à se précipiter vers sa perte dans une spirale hors de contrôle. Les 125 premières pages décrivent cette descente aux enfers mais Baldwin plus encore, donne à son écriture la profondeur, la précision nécessaires à la compréhension de ce qui se passe dans la tête de Rufus. La poursuite du roman, entièrement placée sous la lumière de ce prologue, prend bien sûr un sens tout particulier.
Les liens vont donc se faire et se défaire entre les personnages.La fragilité de ces liens, les incertitudes qui les accompagnent constituent la matière même de la narration. Ce fil rouge permet à Baldwin de faire la démonstration qu'une identité est toujours multiple, qu'il est vain d'avoir des certitudes sur qui l'on est vraiment. Ainsi, le couple Cass-Richard vacille-t-il, ainsi Vivaldo a-t-il du mal à aimer Ida, comme Rufus n'a pas su aimer Leona, Eric lui aussi porte ses contradictions, dans son amour à Yves, dans les liens qui l'ont uni à Rufus, dans son rapport à Cass et à Vivaldo. le personnage de Vivaldo, incarne pour l'auteur l'universalité de cette question sur l'identité, dans le chapitre qui met en scène Rufus, ce dernier lui demande : « As-tu jamais souhaité être un homosexuel ? » Vivaldo répond par la négative. Cette frontière floue entre ce que l'on est et ce que l'on croit être, Baldwin la fait voler en éclat à la fin du récit, à travers cette nuit d'amour et de complicité partagée entre Eric et Vivaldo. Ida et Cass les deux personnages féminins ne sont pas de reste dans ces scénarios du flou.
Ce roman fort puise aussi sa force dans la description de la ville où se passe le récit. Les rues, les paysages les quartiers, du New York des années cinquante sont bien présents. Dans une ville qui écrase : « le poids de cette cité était meurtrier », une ville qui ménage aussi des îlots
différents comme le Village, avec ses ouvriers et artisans, Harlem, les rues de l'East Side, une ville qui sait être belle dans les reflets de l'Hudson ou de l'East River aperçus du haut des fenêtres de ceux qui y vivent.
Un livre incontournable, un chef d'oeuvre.
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