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Critique de Ys


Ys
14 juillet 2015
Pour se sauver du trop jeune et délicieux Calyste, dont vingt ans de différence la séparent inexorablement, Félicité des Touches crée Béatrix.
Béatrix, son amie et sa rivale, grande dame mal mariée et perdue aux yeux du monde pour l'amour d'un musicien qui ne la mérite pas, blonde exquise aux grâces raffinées, amante idéale dont le jeune homme tombe amoureux comme seul peut aimer à vingt ans un cœur pur, naïf, absolu.
Mais si la Béatrix de Dante, jamais revue, sut n'être qu'un rêve, Béatrix de Rochefide existe pour de bon, et comme chacun le sait qui a passé l'âge des cœurs naïfs, l'idéal se marie bien mal au réel. Comment sauver alors Calyste de cette passion qui le dévore tout entier et finit par menacer sa santé, sa raison, son avenir, jusqu'à sa vie ?

Imprégné d'idéaux romantiques tout autant que de froide lucidité, voire de cynisme désabusé, Béatrix est un roman tout de contrastes. Contraste entre la Bretagne sauvage, austère et noble, dans laquelle se noue le drame, à laquelle Calyste appartient tout entier par son éducation, et le Paris tourbillonnant, tout de faux-semblants, dont Béatrix fut l'une des reines et où les choses s'achèvent par une magistrale entreprise de manipulation.
Contraste entre deux femmes : la brune Félicité, femme de Lettres, de coeur et d'esprit, dont l'intelligence n'a d'égale que la grandeur d'âme, mais que sa force et son indépendance rendent monstrueuse, bien trop masculine, pour une société où la femme ne doit être qu'un ornement gracieux. Vouée par là-même, irrémédiablement, au malheur. La blonde Béatrix, femme du monde toute de grâce et d'artifice, scandaleuse par orgueil, dont l'âme froide confond les aspirations du cœur et celles de la vanité, et qui ne sait rien être au fond que par les hommes. Deux femmes, ou plutôt trois puisqu'à l'artificieuse Béatrix s'oppose la délicieuse Sabine de Grandlieu, future épouse modèle, amoureuse exaltée mais lucide qui sait allier l'esprit mordant de la parisienne à la franchise simple de la provinciale.

Outre de fascinantes descriptions de la Bretagne ancienne et un scénario peut-être un peu lent au départ, mais de plus en plus prenant et dont on se demande bien comment il va pouvoir se résoudre, c'est dans ces très beaux portraits de femme que réside la plus grande force de ce roman.
Un esprit moderne, certes, pourra s'agacer des petites notes sexistes qui émaillent leurs descriptions - une femme est ceci, ne doit pas être cela -, mais elles sont à remettre en condition dans la société de l'époque, et ne déparent en rien la force des caractères mis en scène, la justesse remarquable de leur analyse. Inspirée par George Sand, Félicité des Touches m'a aussi fait penser - par sa carrière, sa liberté, son côté amazone, son milieu social et jusque par son nom - à Félicie de Fauveau, cette artiste sculpteur étroitement liée au parti de la duchesse de Berry (comme le furent d'ailleurs Calyste et son père).
Si Sand et Félicie surent vivre jusqu'au bout dans le monde pour et par leur art, Félicité, elle, aura le sort de bien des héroïnes plus fades de l'histoire. Un sort un peu décevant sans doute, mais ce retrait final vers Dieu reste assez bien dans la logique d'un personnage extraordinaire et exalté, à qui le monde ne sait plus offrir que déceptions.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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