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Critique de berni_29


J'aime Eugénie Grandet. Il y a quelques temps, je vous avais écrit que j'aimais Emma Bovary. Peut-on aimer plusieurs femmes à la fois ? Oui, bien sûr, dès l'instant qu'elles s'appellent Emma Bovary , Eugénie Grandet, Louise de Rênal ou Anna Karénine... Emma Bovary est à Gustave Flaubert ce qu'Eugénie Grandet est à Honoré de Balzac. La comparaison s'arrête là et n'engage que moi. Les deux personnages ont des destins bien différents, bien que tout aussi tragiques, malmenés par les certitudes malveillantes des hommes.
En revanche, à la différence d'Emma Bovary, j'aime Eugénie Grandet, non pas par amour, mais comme si elle fut une sœur, une sœur abandonnée dans la tourmente d'une famille, d'un père tyrannique et avare. Je l'aime comme une amie. Je n'ai pas toujours aimé Eugénie Grandet. Je me souviens des bancs de l'école, d'une lecture obligée de ce livre au collège. Ce roman m'était paru très austère. En ce temps-là, Eugénie Grandet me paraissait comme une femme d'un autre temps, triste et poussiéreuse, qui venait me traumatiser jusque dans mes cahiers d'écolier. Elle n'était pas alors mon amie.
Je me souviens d'une semaine d'été dans les Alpes, il y a quelques années. Dans un camping en pleine vallée du Champsaur il y avait une petite bibliothèque proposée aux estivants et c'est à cette occasion que j'ai relu ce roman. J'en ai été totalement ébloui.
Honoré de Balzac aimait les femmes et son amour était très respectueux de celles-ci. Je pense que Balzac était un romancier féministe. Je m'avance peut-être un peu sur le sujet, mais ayant lu plusieurs livres de cet auteur, j'en suis aujourd'hui profondément convaincu. Et le livre dont je veux vous parler ici témoigne d'une profonde empathie de l'auteur pour son héroïne principale. Balzac a forcément aimé ce personnage humble et sensible, il a voulu lui donner une existence, un corps, une âme, des gestes, un rêve, quelques illusions de vie dans sa trajectoire tragique, au travers de ce roman magnifique.
Au tout début du roman, le personnage principal est le père Grandet. Un homme détestable, effroyablement avare et cruel. Cruel envers sa fille, Eugénie. D'autres personnages viennent à leur tour, cupides, entrent en scène, dans cette famille où le sujet principal tourne autour de l'argent. C'est ainsi qu'elle s'éprend de son cousin...
Le père Grandet est riche, c'est un tonnelier ayant fait sa fortune à Saumur. Sa fille Eugénie devient donc un objet de convoitise, dans le monde desaffaires de cette petite ville de province, où son père, très âgé va vraisemblablement mourir dans peu de temps. Donc, des regards se posent déjà sur le visage d'Eugénie Grandet qui ne sont pas forcément des regards d'amour, des yeux bienveillants.
Tout pourrait passer pour un sujet banal, vu et revu. Balzac construit ici un personnage féminin, sensible, solitaire, romantique, détachée de la fortune dont elle peut hériter, aspirant par-dessus tout au bonheur, le vrai bonheur d'aimer et être aimée, vivre...
Balzac est un fin peintre des sentiments. Il décrit ici la sensibilité généreuse et sans doute candide d'Eugénie Grandet, ses attentes, ses rêves, ses désirs aussi. Oui cette femme que certains pourraient considérer comme austère parce que le roman l'est d'un certain point de vue, a des désirs, des désirs amoureux, sans doute sexuels aussi. Ici c'est l'imaginaire du lecteur que je suis qui l'exprime ainsi, mais Eugénie aimait, voulait aimer et être aimée pour ce qu'elle était...
Plus loin, autour de la vie d'Eugénie Grandet, là-bas à Saumur, des hommes vont et viennent, gravitent dans l'existence de cette jeune femme. Son père est encore là qui régente tout. C'est un environnement d'une médiocrité absolue qui tourne autour d'Eugénie Grandet dans ce drame social, une manière de faire jaillir une forme de lumière dans ce fatras d'ombres et de boues. C'est cette lumière qui saisit le lecteur malgré le sujet austère et le cadre un peu sinistre dans lequel s'inscrit le récit.
C'est sans doute le huis clos dans lequel se déroule la narration, qui rend le sujet austère. Mais au-delà, ne faudrait-il pas faire venir Eugénie Grandet dans un peu plus de lumière, elle le mérite tant ?
C'est à l'issue de la seconde lecture de ce livre que j'ai compris que Balzac est un auteur digne d'un respect énorme. Ce personnage beau et tragique qu'est Eugénie Grandet mérite d'être regardé avec beaucoup d'attention et d'empathie. Pourquoi pas d'amour ?
Eugénie Grandet, c'est un rai de lumière qui pénètre le vitrail d'une chapelle gothique. C'est une page où luisent les mots qui parlent d'elle. C'est le jour qui vient s'accrocher dans les branches d'un arbre. C'est une femme à sa fenêtre...
Je m'aperçois qu'à la fin de ma chronique je ne vous ai rien dit, ou très peu, sur le sujet du livre. Mais qu'importe, je voulais simplement vous parler d'une femme que j'aime comme une sœur, ou comme une amie...
J'aime Eugénie Grandet.
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