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Critique de CDemassieux


Un récent quizz, ici-même, prétendait en substance que Balzac n'était pas un romantique – je parle du courant littéraire, pas des mièvreries pour midinettes abreuvées d'eau de rose, à défaut d'eau-de-vie, ce qui leur ouvrirait – qui sait ? –
certaines portes de la perception, étant entendu que l'abus d'alcool, comme celui de l'ignorance satisfaite, est dangereux pour la santé !
Donc, sur le ton de Desproges dans ses immortels réquisitoires : Balzac est-il coupable de romantisme ? Je réponds : oui !
Rien que le titre de ce roman est une profession de foi romantique : le Lys dans la vallée. Ce lys, Henriette de Mortsauf, est une femme de province déchirée entre son devoir d'épouse et son amour pour un jeune homme : Félix de Vandenesse, qui connaîtra avec sa comtesse une initiation amoureuse platonique en même temps qu'elle sera pour lui un marchepied dans son ascension sociale.
Le récit se présente comme une confession rétrospective : dans une longue lettre, Félix raconte son amour de jeunesse à une autre femme…ce qui n'est pas du meilleur goût, soit dit en passant !
La comtesse de Mortsauf, malgré un mari à « l'humeur insociale et taciturne » (pour paraphraser Chateaubriand à propos de son père) et une passion grandissant pour le jeune homme, demeurera fidèle au premier. Une sorte de fusion sentimentale va ainsi se développer entre les deux amants immatériels. Mais la chair a ses raisons que la raison ignore.
Lors d'un voyage dans la capitale, Félix rencontrera le double négatif d'Henriette en la personne d'Arabelle Dudley, une dévoreuse d'hommes, dans tous les sens du terme. En lui cédant, Félix provoquera une déception fatale au coeur de son lys. En réponse à ce récit, la destinataire de la lettre – Natalie de Manerville, une femme plus pragmatique que romantique – considérera que Félix appartient à un passé où elle n'a pas sa place. Ce qui me fait dire que le Lys dans la vallée est une initiation à l'échec amoureux ou, pour faire une phrase, une contrition des sentiments.
Maintenant, si nous jugeons Madame de Mortsauf à l'aune de notre époque, elle nous apparaîtra ridicule de ne pas s'être offerte à Félix et d'avoir conservé une vertu qui l'aura précipitée dans la tombe. On se sentira plus volontiers proche de lady Dudley. Comme on trouvera ridicule Gwynplaine préférant l'amour innocent de Dea au désir incandescent émanant de la belle et sulfureuse Josiane, dans L'Homme qui rit, de Victor Hugo. Par contre, si nous nous approprions les essences romantiques que ces pages distillent, alors le lys, à défaut de nos rois, nous évoquera toujours une femme amoureuse…
Pour une fois au moins, et concernant particulièrement ce roman – dont la trame inspirera L'éducation sentimentale –, je ne partage pas cette autre confidence écrite par Flaubert à sa maîtresse Louise Colet : « Quel homme eût été Balzac, s'il eût su écrire! Mais il ne lui a manqué que cela. » (Lettre du 17 septembre 1852)

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