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Critique de Oazi


Un roman fourmillant de bonnes idées, mais manquant de maturité.
On y suit Sélène, une toute jeune enfant qui va être recrutée par une organisation de guerrières qui protège le monde des dragons, espèce qui a semé le chaos par le passé. On la suit ainsi dans son éducation pendant une douzaine d'années.
La plupart des éléments de ce récit sont intéressants, mais sont introduits ou utilisés de façon maladroite ou incomplète et perdent ainsi de leur valeur.
L'univers, tout d'abord. On s'immisce dans une partie très restreinte de ce monde, puisque Sélène est rapidement coupée de la vie extérieure pour intégrer l'académie, qu'elle ne quittera presque pas. le côté initiation au sein d'une école est assez classique mais fonctionne bien, d'autant qu'on le découvre au même rythme que Sélène. Mais j'ai trouvé que cela manquait d'explications sur la hiérarchie et les règles au sein du centre : seuls les choses utiles au récit sont dîtes, le reste est laissé dans le flou. de la même façon, le monde en-dehors de l'Académie n'existe que les rares fois où Sélène met le nez dehors, et se limite au village d'à-côté. C'est très frustrant car l'autrice nous fait tout apprendre au même rythme que Sélène, mais semble oublier que nous lecteurs n'avons pas grandi dans ce monde et ne connaissons donc pas tout ce qu'elle pouvait savoir avant d'arriver à l'académie. Parfois, on a aussi l'impression que l'autrice a eu la flemme d'imaginer au-delà. Un exemple flagrant, c'est que Sélène ne connaît même pas le nom de ses camarades de promo, alors qu'elles ne sont pas si nombreuses (peut-être une trentaine), qu'elles vivent, s'entraînent, dorment et mangent ensemble depuis dix ans. Ce sont de petites choses, mais qui installent un manque de cohérence sur l'ensemble.
Néanmoins, tout ce qui tourne autour de la magie, les différents types qui existent notamment, est bien amené et bien expliqué, de même sur les dragons. On note d'ailleurs la présence de magnifiques illustrations montrant les différents types de dragon au fur et à mesure qu'ils interviennent, qui ajoutent un vrai plus au roman et une très belle esthétique.

Les personnages manquent aussi de profondeur, de contexte, de plus d'exploitation dans ce roman – pour autant là-encore, l'autrice fait preuve de bonnes idées. Sélène est un personnage intéressant à plein de points de vue. D'abord, c'est un vrai personnage complet, avec des qualités et de réels défauts. Là où beaucoup de romans font des personnages lisses, avec seulement de faux défauts type entretien d'embauche, l'autrice n'a ici pas peur de créer des aspérités sur son personnage principal. Elle est trop impulsive, revêche, et plutôt égocentrique, et cela est bien mis en avant. Mais à côté de cela, c'est une fille/femme forte, confiante en elle, avec un sens aigu du sacrifice et de la loyauté. Et au fur et à mesure que les années passent, ces points de sa personnalité finissent par s'équilibrer et donner vie à un vrai personnage complet et original.
J'ai également bien aimé son rapport à la magie. Elle n'est pas l'Élue, figure emblématique et facile de romans fantasy qui cumulerait toutes les qualités. Ici, Sélène a bien sûr des aptitudes dans certains domaines, mais elle doit travailler pour s'améliorer. En magie particulièrement, elle est de loin la plus mauvaise de ses camarades, et c'est seulement après des années de travail acharné qu'elle progresse. L'apprentissage est le côté le mieux maîtrisé et le plus intéressant du roman.
En revanche, j'ai eu beaucoup de mal à éprouver ses sentiments. Ces émotions sont beaucoup expliquées, mais trop peu montrées à travers de ses actions pour qu'on les ressente. Par exemple au début, Sélène est très en colère en arrivant à l'Académie. Mais si elle le dit à de nombreuses reprises, les raisons de sa colère ne sont pas assez détaillées (alors qu'on aurait pu insister sur le fait qu'elle venait d'être arrachée à sa mère, changée d'environnement…) et elle ne le fait pas non plus ressentir à travers ses actions, et l'on reste assez froid face à cela. de même tout au long du roman, ses épisodes de détresse, d'amour, d'incompréhension… sont exposés de façon froide et ne nous permettent pas vraiment de s'immerger dans le roman.

Pour moi, le plus gros défaut du roman est sa temporalité. On y suit une douzaine d'année, depuis que Sélène a environ 6 ou 8 ans. L'autrice a fait le choix de condenser ces années en un roman, à l'aide de grosses ellipses temporelles. Ce n'est pas foncièrement un mauvais choix et c'est plutôt audacieux, d'autant que cela nous permet de vraiment suivre l'évolution de Sélène. Mais la réalisation est vraiment maladroite, et parfois l'ellipse nous fait louper des évènements importants. Par exemple, sur l'histoire d'amour entre , on a vraiment l'impression de louper un chapitre. Un moment, elles s'entendent bien mais sans plus, puis l'ellipse passe et elles sont en couple depuis un bail. Ainsi, on loupe certains évènements importants, qui nous feraient d'autant plus rentrer dans l'histoire et nous attacher aux personnages.
De même, on suit ainsi les personnages du stade de jeunes enfants jusqu'à jeunes femmes, mais on ressent très peu la différence dans leurs faits et gestes d'une époque à l'autre. J'ai eu beaucoup de mal avec la Sélène de 6-8 ans, car elle s'exprime et réagit comme une adulte. Sans les références de temps au début des chapitres, on aurait pu croire qu'on suivait une ado pendant quelques mois.

J'ai bien aimé que le roman soit fait quasi-exclusivement avec des personnages féminins, il y a perso masculin très secondaire et qui ne prend pas le pas sur les femmes. L'explication repose sur des bases très essentialistes (les hommes ont détruit le monde quand ils le dirigeaient, les femmes étant naturellement des créatures mesurées il valait mieux inverser les rôles) qui sont loin du féminisme que l'on veut leur donner, mais l'autrice a le bon goût de ne pas s'attarder sur ces explications. Mais ce point mis à part, le roman fonctionne très bien, les personnages féminins sont variés, on assiste à de jolies amitiés féminines. Et là où certaines autrices pourraient malgré ce contexte justifier tout de même d'y amener des hommes pour s'éviter à discuter d'homosexualité féminine, ici l'autrice assume ce que la concentration dans le temps et l'espace d'une population exclusivement féminine entraîne nécessairement, et nous offre un couple lesbien de premier plan.

Dans l'ensemble, c'est un roman frustrant car très introductif et on a peu de réponses à nos questions et le monde reste très flou. Pourtant, Sélène passe son temps à poser des questions, mais on lui rétorque toujours qu'elle ne peut pas savoir maintenant. C'est même parfois un peu exagéré, comme lorsque , beaucoup savent ce qu'il se passe mais personne ne veut lui dire, et Sélène laisse tomber. En plus d'être hors-personnage, cela nous frustre nous aussi : on lit un roman entier, sans qu'on nous accorde plus de réponse, en tout cas pas assez pour transformer cette frustration en suspens.
Je pense que le roman aurait gagné à être retravaillé, et on sent bien qu'il s'agit du premier de son autrice. Toutefois, j'attends avec impatience la suite, en espérant qu'elle pourra corriger ces défauts.
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