Citations sur Les gens de Mogador, tome 3 : Ludivine (2/2) (14)
Crois-tu qu’il existe un autre homme dans le monde entier, un seul, qui, te connaissant telle que tu es, accepterait de passer son existence auprès de toi, de subir tes colères, et ton amour ?… Ton amour ! Parlons-en !… L’amour du boa constrictor… Tu m’étouffes, tu me dévores. Il faut toujours se débattre pour respirer. Mais, Bon Dieu ! j’ai besoin de vivre, de faire quelque chose… Je suis un homme ! Pas un canari en cage…
Une étrangère au milieu des siens. Une étrangère dans le monde. Et celui où l'on se réfugie est peuplé de rêves tristes, de bonheurs incertains, de joies qui passent.
Et les chansons d’amour chantent l’amour perdu ; et l’on pense à celui que l’on ne connaîtra jamais. On est venue sur terre, comme quelqu’un qui, déjà, n’avait plus rien à attendre. Le coup s’est joué d’avance, et les dés sont pipés. Que reste-t-il, sinon de faire orgueilleusement abandon de soi ?…
L’important, ce n’était pas de vivre, ni d’être heureux, en ce monde d’attente et de fièvre. Mais d’y rencontrer et d’y reconnaître son compagnon pour le temps du voyage… Et même s’il part en avant sur la route… Alors, le jour venu, au bord de l’instant difficile, il est là, sur la passerelle, et il vous tend sa main pour passer de l’autre côté
Mais l’amour d’un homme et d’une femme, l’un pour l’autre, n’est-ce pas beau ? Qu’importe ce qui le traverse, les faiblesses, les insuffisances, les incompréhensions, même les fautes… rien, tu m’entends, ma toute-petite, rien de tout cela ne l’entame. Au contraire, il s’enrichit, à chaque épreuve…
C’est le sort naturel, pour les filles, de tout quitter en se mariant. Toi aussi, un jour…
Quinze ans était cependant l’âge consacré pour les grandes amours…
Et la joie, on ne nous l’a pas promise : ceux qui aiment ne sont pas aimés ; ceux qui s’aiment, on les a séparés… Mais ceux qui endurent petitement leur lot d’amertume quotidienne, et leur isolement…, ceux qui ne savent plus qu’il y a sur la terre un nom pour l’espérance…, ceux qui tournent sans révolte dans la nuit des jours comme un cheval de noria, ceux-là demeurent pour nous enseigner que la prière est inutile si nous demandons autre chose que la sagesse de ne plus rien demander.
Qu’il fait bon se reposer près de toi, mon cœur !… Vaille que vaille, tous deux, nous faisons quand même un attelage bien couplé…
… Nous irons demain faire la demande. Il faut vous fiancer au plus vite pour arrêter les commérages qui doivent déjà circuler grand train.