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Critique de Ileauxtresors


Lu à voix haute début 2018

Le Protectorat est une oligarchie embrumée, prise en étau entre un marais fertile et une forêt maléfique, placé sous le joug des Grands Anciens et des combattives Soeurs de l'Étoile. Ignorant que les secousses, les failles, les crevasses bouillonnantes, les fumées toxiques et autres émanations traîtresses qui menacent ceux qui s'aventurent hors des sentiers battus sont le fait d'un volcan, les citoyens du Protectorat s'en remettent aux croyances propagées par leurs dirigeants : chaque année, le bébé le plus jeune doit être abandonné dans la forêt, en sacrifice à la sorcière en échange de la sécurité du peuple. Et chaque année, la vieille Xan, sans rien y comprendre, met le bébé à l'abri des bêtes sauvages et des dangers de la forêt. Mais cette année, rien ne se passe comme d'habitude : une mère qui refuse d'obtempérer et devient folle de chagrin lorsqu'on lui prend sa petite fille, un jeune garçon marqué à vie par cette scène, une petite fille pleine de vie et de volonté qui développe un potentiel magique sans précédent. Xan devra la garder à l'oeil et s'efforcer de canaliser cette magie. Qu'adviendra-t-il d'elles, de leurs étranges amis et des habitants du Protectorat ?

Si le récit prend la forme d'un roman de 360 pages, il s'apparente à un conte par son univers étrange, tout en clair-obscur, en éruption permanente de magie, peuplé d'êtres merveilleux et de méchants, d'origami animés, de magiciens, d'objets ensorcelés, de monstres et autres dragons. le thème littéraire de la sorcière à laquelle il faut sacrifier un enfant chaque année est récurrent dans les contes – et même dans la mythologie, puisque dans l'Iliade, Agamemnon doit se résoudre à sacrifier sa fille à la déesse Artémis qu'il a mise en colère. Pourtant, le roman propose une réflexion sur le pouvoir normatif des mythes qui légitiment les coutumes et les institutions les plus injustifiables, mais qui restent vulnérables aux questionnements naïfs des enfants. Si ces questions sont sérieuses et parfois sombres, la morale de l'histoire insiste sur la force de l'espoir pour renverser un pouvoir autoritaire et prédateur. On notera la prédominance des figures féminines, rare dans ce registre : volontaires, obstinées, fortes, ce sont les filles qui mènent la danse. Mes deux garçons ont également apprécié la drôlerie des petits compagnons fantastiques de Xan et de Luna.

En fort contraste avec les autres romans que nous avons lus récemment, La fille qui avait bu la lune se démarque par son rythme lent, laissant tout leur temps aux parenthèses poétiques et aux descriptions précises et visuelles. le récit est organisé en spirale plutôt qu'en séquences, certains fils narratifs nous replongeant dans un passé fort ancien permettant d'éclairer progressivement le cadre de l'histoire. Fort est de constater que la magie opère et qu'en amorçant la lecture, on est volontiers happé par ce tourbillon hypnotique et déconcertant. Cela dit, le récit tire un peu en longueur pour finalement nous laisser un peu sur notre faim. Peut-être la répétition de certains motifs est-elle conçue comme une figure de style contribuant au caractère hypnotique du récit ; nous l'avons trouvée lassante et j'ai bien cru, à certains moments, que nous ne terminerions pas la lecture.

À quels lecteurs recommander ce roman ? Ce n'est pas évident à juger, tant l'association d'un registre de conte et d'un texte aussi long (et au style aussi exigeant) est inhabituelle. Il me semble qu'il est susceptible de plaire aux lecteurs jeunes, mais déjà aguerris. Aux lecteurs un peu plus grands, il offrira une petite parenthèse dans un monde merveilleux où la volonté triomphe de la fatalité, de l'obscurantisme et de l'oppression.
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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