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Critique de NMTB


NMTB
19 décembre 2014
Monsieur Bouteiller est un professeur de philosophie charismatique. Un de ces professeurs qui dès le début sait se faire respecter de ses élèves. Républicain convaincu, adepte de Kant, il enseigne au lycée de Nancy. Sept de ces élèves, aux caractères différents, sont particulièrement admiratifs de Bouteiller et seront marqués par son enseignement. Et c'est l'évolution de ses élèves, leur montée à Paris, leur entrée dans la vie active, leurs premiers émois amoureux que nous suivons dans ce roman.
Un roman balzacien au sens le plus strict du terme, non seulement dans la forme mais aussi dans le fond. Les sept jeunes lorrains qui montent à Paris sont tous plus ou moins des Rastignac, ce genre de personnages, débordant d'énergie et d'illusions, qu'affectionnait tant Balzac. Barrès ne s'en cache pas, il cite souvent Balzac, tout comme ses autres sources : Spinoza, Taine ou Ignace de Loyola. Il y a des passages qui sont d'ailleurs assez pointus, aussi bien au niveau philosophique que politique.
Le sujet du roman est donc celui de l'entrée dans la vie active et de la transition d'une morale individuelle à une morale collective. Tout cela se passant dans un environnement politique en pleine restructuration, celui des années 1870-80. La France a perdu la guerre contre les allemands, et, par la même occasion, l'Alsace et la Lorraine ; la troisième république est en train de se constituer, la liberté de la presse vient d'être instituée et l'école devient gratuite et obligatoire.
De tout cela, Barres en parle énormément. Dans un premier temps, il se montre très critique vis-à-vis de la république parlementaire et en particulier de l'école républicaine. Car le déracinement que ces jeunes hommes subissent est autant dû, selon Barrès, à l'envahissement de la lorraine par les allemands, qu'à l'enseignement dispensé par la république, qui pousse les bacheliers à déserter leur patrie lorraine au profit de la capitale et à poursuivre indéfiniment des études inutiles. Il parle déjà d'un « prolétariat de bacheliers ». Une formation qu'il juge donc trop abstraite et qui en même temps abstrait, déracine. C'est également par ce biais qu'il s'oppose aux devoirs moraux humanistes de Kant : trop d'abstractions. D'autre part, il croit beaucoup plus au déterminisme social qu'à un système prétendument méritocratique.
Finalement, et bizarrement, il aboutit à une pensée politique qu'on imagine proche d'un républicanisme présidentiel fort. Comment a-t-il pu en arriver là ? Comment a-t-il pu passer d'un patriotisme lorrain à un nationalisme français ? de préoccupations individuelles à une action collective ? C'est tout l'enjeu de ce livre. Mais Barrès était un homme subtil, ce n'est pas aussi simple que je l'expose, tout est beaucoup plus relatif. Puis derrière toutes ces justifications philosophiques et politiques, toute cette logique, il y a l'émotion, le sentiment, qui joue toujours un rôle prépondérant, insidieux. J'ai tout de même ressenti un grand désenchantement dans ce livre, il y a beaucoup de cynisme dans son acceptation des magouilles politico-médiatico-financières, qu'il décrit pourtant fort bien, dans toutes leurs complexités et leur malheureuse inéluctabilité.
C'est un livre assez intellectuel, qui nous replonge dans une partie importante de l'histoire française, mais c'est aussi un vrai roman, balzacien comme je le disais, assez classique dans sa structure, avec une narration bien menée, des péripéties, une tension, un dénouement, tout ça… Bien conçu, mais tellement ordinaire… Il ne faut pas s'attendre à un grand roman, juste un bon roman, bien écrit et très instructif.
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