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Critique de CDemassieux


En Lorraine, un professeur, M. Bouteiller, met dans la tête de ses élèves l'idée d'élévation dans leur vie. Il s'en va ensuite vers d'autres cieux et un groupe parmi ces élèves – de différentes conditions sociales, cela a son importance – monte à Paris pour y poursuivre, avec des fortunes diverses, ses études et rencontrer son destin. Élèves qui seront des déracinés, favorisés pour certains et pas pour d'autres, faisant mentir l'idée kantienne rappelée par l'auteur : « Si l'individu doit servir la collectivité, celle-ci doit servir l'individu. » Mais l'esprit de caste sociale supplante aisément des amitiés superficielles.

Dès lors, ces provinciaux, après quelques tâtonnements dans la vie parisienne avec des succès divers, scelleront un pacte devant le tombeau de Napoléon, ce « professeur d'énergie » près duquel ils viennent chercher un sens à leur existence : « Cette mystérieuse réunion présente les caractères d'une transfiguration. » Sauf que les individualités auront raison de cette exaltation collective, et les plus humbles subiront le joug de leur condition quand les autres s'en sortiront mieux.

On pourrait y voir là un certain déterminisme mais j'y vois plus, pour ma part, l'effet du déracinement, l'opposition entre le mirage parisien, qui ne convient pas à tous, et la réalité solide de la terre d'origine. N'est-ce pas là le reproche que le père d'un de ces jeunes adresse à son fils empêtré dans ses dettes, tandis qu'il aurait pu mener une vie solide au pays ? Ce roman serait aussi la théorie à l'épreuve du réel, étant entendu que : « Nos vaines prétentions sont une des parties les plus réelles de notre être. »

Barrès signe ici un roman d'initiation sous la jeune Troisième République. Tantôt laissant le fil de la narration se dérouler, tantôt focalisant sur une situation, l'auteur – qu'il est de bon ton, de nos jours, d'invectiver sans jamais l'avoir lu ! – creuse ses personnages dans les moindres recoins pour en extraire des généralités fortes. Car, « pour qui cherche à juger avec moralité, c'est un bon système de se dégager de l'accidentel et de se placer à un point de vue éternel ».

Mais à la fin, après un tremblement terrible, après la mort et les obsèques d'un géant – Victor Hugo, « le chef mystique, le voyant moderne » – les déchets de ce groupe de jeunes Lorrains idéalistes sont rejetés et tout rentre dans l'ordre. Quant au professeur Bouteiller – qui fait de loin en loin songer à la « gloire » finale du pharmacien Homais de Madame Bovary –, par sa réussite politique, il répond exactement à cette phrase du roman : « On n'atteint un but qu'en subissant les conditions du terrain à parcourir. »

Enfin, le récit de Barrès nous amène inévitablement à cette question fondamentale : le déracinement ne serait-il pas cause de bien des maux et des désordres ? L'auteur, enraciné dans la France quant à lui, y répond à sa manière. Un auteur qui écrit encore : « On met le désordre dans notre pays par l'importation de vérités exotiques »…


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