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Critique de HundredDreams


Petite, j'aimais aller chez mon oncle qui possédait des chevaux de course. J'aimais les voir courir dans le pré, et curieux, venir à ma rencontre. J'aimais leur souffle chaud sur ma main posée sur leurs naseaux. J'aimais la douceur et la profondeur de leur regard.
Qu'ils étaient beaux, eux immenses et moi si petite.

Après la magnifique critique d'Onee que je vous invite à découvrir, j'ai eu envie de retrouver ces souvenirs d'enfance que je pensais perdus. Ils sont revenus avec une force émouvante. Et à ces images qui ne peuvent s'effacer, se sont mélangées celles de Bartabas.
Instants d'intimité et de bonheur.
Tristesse d'une vie qui n'est plus.
Les chevaux de mon oncle ont quitté le pré depuis bien longtemps maintenant.

Les mots de Bartabas ont résonné en moi, par leur douceur, leur peine, et par cette douce nostalgie qui se glisse entre les pages.

*
Je n'ai jamais vu de spectacles de Bartabas, j'aimerais beaucoup. En prenant ce livre dans mes mains, je me posais des questions quant au bien-être et au respect animal.

« Il est présomptueux de croire que les chevaux sont nés pour les hommes, et vain de chercher celui que l'on voudrait parfait. Il me faudra toujours les accepter tels qu'ils sont, les adopter, m'appliquer à faire éclore les trésors qu'ils recèlent et parfois même célébrer leurs défauts. Cette philosophie guidera désormais mon approche des chevaux… et des hommes. »

Les mots de Bartabas me rassurent.
Les mots de l'auteur m'ont touchée, m'ont bouleversée. Plusieurs fois, mes larmes ont coulé sans que je puisse les retenir.
L'amour que j'ai ressenti entre Bartabas et ses chevaux ne peut être feint.
C'est beau, c'est douloureux.

« À cheval je n'ai pas besoin de mots.
C'est une étreinte charnelle qui alimente mes rêves. »

*
Ils sont tous là, prêts à entrer sur la piste
Encore dans l'ombre
Ils attendent que j'ouvre le livre à la première page.
Chevaux artistes,
Chevaux danseurs.

« Ici, pas de rôles ni de romances,
personne ne se déguise
en autre chose que lui-même.
Ce sont de vraies gens et de vraies bêtes
qui se jouent de la vie. »

Lorsque le rideau se lève enfin,
un à un, ils viennent à moi,

« Pour éteindre l'insomnie, je les épelle un à un. Longue caravane, sans tambours ni musique, ils défilent lentement dans ma nuit et m'emmènent vers le sommeil, enfin. »
Chaparro, Pantruche, Horizonte, Micha Figa, Lautrec, Quixote, Vinaigre, le Caravage, Zingaro
et tant d'autres.

Dans leur robe d'apparat, d'ébène ou de lune,
chacun porte dans son regard et ses mouvements
le poids de son histoire personnelle.
Certains avancent confiants, majestueux, princiers,
Alors que d'autres, inquiets, s'approchent
avec timidité.
D'autres encore, la peur ancrée
dans leurs yeux immenses,
me fixent sans se dérober.

Sous la lumière des projecteurs
Un à un, ils entrent dans la danse.
Accord parfait entre l'homme et le cheval

« Jouer à se faire peur, jouer avec la peur des autres, jouer à se défier violemment puis me lover dans son corps assis en signe de soumission pour qu'enfin le public entrevoie tout l'amour qu'il avait fallu partager pour en arriver là. »

Force et fluidité
Patience et douceur
Grâce et sensualité
Complicité et amour
Respect et confiance
Se livrer et se libérer
Se comprendre et les comprendre

« Tu te nommes Dolaci et tu m'as appris à faire mes gammes.
Avec toi, j'ai compris que dresser un cheval ne peut se résumer à la compréhension de sa locomotion et à la résolution de ses résistances physiques. Je dois aussi sonder son âme. »

Le cheval et son cavalier se rejoignent,
s'enlacent dans une valse sensuelle
Un contact d'une infinie douceur
Deux êtres en parfaite communion
Bartabas murmure à l'oreille de ses chevaux.

« Zingaro, mon sang, ma chair, ensemble nous nous sommes appris, nous éduquant l'un l'autre, jusqu'à inventer un langage seulement connu de nous. »

Caresser, regarder, écouter, se chercher, se trouver, rassurer, soigner, partager, apprendre,
un lien se crée.
Instant magique.

*
J'aimerais m'approcher doucement, sans gestes brusques,
Une main tendue, je les laisserais m'effleurer,
Je les laisserais m'apprivoiser.

« J'approche mes lèvres du bout de ton nez, il est doux comme la chair d'un coquelicot. Tu sens l'âtre et l'automne, la feuille brûlée et la réglisse aussi. de tes naseaux s'échappe un soupir qui m'invite au voyage. »

Et puis, le spectacle s'achève,
Les lumières des projecteurs s'éteignent, le rideau tombe.
La nuit s'avance ne laissant qu'un vide endeuillé,
une douleur profonde, un sentiment d'inachevé.
Mes yeux s'emplissent de larmes.

« J'avance au hasard.
J'ai du mal à me suivre.
Je suis attelé à un cheval mort. »

*
« D'un cheval l'autre » n'est pas un roman, mais plutôt des tranches de vie, des instants privilégiés, des moments d'intimité entre l'homme et ses chevaux. Après avoir fait la connaissance avec chacun d'eux, le lecteur découvre leur passé, souvent triste, leur personnalité. On les voit devenir des artistes accomplis, guidés sans brusquerie, chacun à leur rythme, avec respect.

Ce lien invisible qui lie Bartabas à ses compagnons de route est magnifique. Son écriture est belle, poétique, sensible, sensuelle. J'aime beaucoup sa façon de s'effacer pour laisser l'animal maître des lieux.

« Toujours à l'écoute, il assoit son galop, en cadence je l'accueille au creux de mes reins, j'instruis mes vertèbres. Nous sommes faits l'un pour l'autre. »

Que dire de plus ?
J'ai aimé ce livre.
Un coup de coeur ?
Oui.
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