AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Chrisdu26


Valence, dimanche 19 aout 1979

Madame le juge,

Je m'appelle Christine, j'ai 12 ans. Comme chaque année, je viens passer quelques jours de vacances chez ma tante à la campagne. Chaque été, je retrouve mon camarade Hugues, il est si gentil. Il habite le village depuis toujours avec ses frères et ses parents. Comme chaque été depuis maintenant plusieurs années, Hughes se confie à moi. Aujourd'hui, il est urgent d'agir sinon je crains un grand malheur pour mon ami. Depuis longtemps maintenant son père boit, un véritable alcoolique. de plus, il est violent avec sa femme. Hughes, pour apaiser sa honte et son coeur, me raconte des choses horribles. Son pater ne dessoule pas du matin au soir, rentre tard la nuit les yeux injectés de sang, hagard, titubant, le visage rouge et bouffi. Alors commencent les coups et les insultes. Il cogne, il frappe puis vient l'angoisse, le bruit des pas sur le parquet, cette terreur de voir son père débarquer dans sa chambre. Alors il se fait tout petit, invisible, pour se faire oublier.

Son père est apprécié par tous les villageois mais la nuit tombée, il se transforme en un être abject et écoeurant qui empeste la haine et l'alcool. le refuge de Hughes, c'est sa chambre, à mille lieux de toute cette violence. Mais il faut encore qu'il se bouche les oreilles, avec la musique à fond, pour ne pas entendre ses parents vociférer, ne pas entendre le bruit sourd des coups qui traverse les murs. Quand les coups cessent enfin et laissent place à un silence de mort, c'est la peur au ventre qu'il descend à la cuisine voir si sa mère ne gît pas dans une marre de sang.

Que fait la police ? Rien ! Que font les villageois ? Rien ! Les gens du voisinage ricanent et répandent des ragots mais tout le monde se mure dans le silence et laisse sa mère dans le chaos et la résignation. Même la grand-mère d'Hughes, ferme les yeux, « On ne divorce pas chez nous, tu étais prévenue ma fille, maintenant tu dois assumer, et puis de quoi vivrais-tu ? Il n'est pas si mauvais ton mari, il te nourrit ! » Quelle belle nourriture pour l'esprit !

Ce ne sont pas les coups qui sont les plus douloureux mais les bleus à l'âme, l'humiliation, les regards qui se baissent, la honte… Ce qui fait le plus mal, c'est de savoir que tout le monde sait et que personne ne fait rien. N'y a-t-il pas non-assistance à personne en danger ? Ne peut-on rien faire pour lui ?

Sa planche de salut pour survivre à tout ça, c'est la bande dessinée, mode d'expression qui lui permet de s'évader un peu, de fuir la noirceur du réel. Et bien sûr, il y a sa tante, Dominique, sa bouffée d'oxygène qui lui promet monts et merveilles mais qui ne vient jamais ou si rarement.

C'est la colère au ventre et le coeur plein d'espoir que je me tourne vers vous aujourd'hui avant qu'il ne soit trop tard. J'aime beaucoup Hughes et je crois qu'il m'aime bien aussi, il a tellement confiance en moi.

Faut-il attendre l'irréparable ? Combien de vinasse et de vomi sous la table devra-t-il ramasser avant que quelqu'un n'intervienne, avant qu'il ne reproduise lui-même ce même schéma ? Quand on ne connait que la haine, les insultes et les coups, ne risque-t-on pas de reproduire ce à quoi on a assisté depuis toujours ? Mais pour Hughes, je suis certaine qu'il n'est pas trop tard…

C'est un S.O.S, une main tendue, que cet été 79 soit comme une bouteille à la mer !

Je vous en supplie, ne le laissez pas tomber.

Christine

Lien : http://marque-pages-buvard-p..
Commenter  J’apprécie          302



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}