Si la poésie était un pays, le voyageur, au long de son périple, arriverait un jour à la capitale. Traversant les rues, les quartiers, les ponts et le cours du fleuve, il y trouverait un monument de la poésie, un lieu qui aurait le nom de
Charles Baudelaire.
Le Spleen de Paris : petits poèmes en prose, recueil paru en 1869 à titre posthume, est considéré comme le pendant des Fleurs du Mal, publiées douze années plus tôt. Comme un lien évident, Spleen et idéal est le sous-titre des Fleurs ou encore Un Hémisphère dans une chevelure, est un poème en réponse à ceux de Parfum et La Chevelure.
Dans les cinquante textes du recueil, dont la plupart ont d'abord été publiés dans des journaux et des revues, du vivant même de
Baudelaire, beaucoup des thèmes déjà présents dans
les Fleurs du Mal reviennent : l'amour, la passion, la beauté et la laideur, le spleen et l'idéal, la pauvreté, la mauvaise fortune, la mort et la maladie, la ville de Paris.
Dans ses poèmes,
Baudelaire mêle narratif et descriptif pour faire part de ses pensées et témoigner du tragique et du pathétique de l'existence, notamment celle des plus déshérités, des laissés-pour-compte.
En faisant le choix de la prose, il se fait plus précis dans les descriptions, dans le détail, il use davantage de références, de métaphores. Il y a toujours chez
Baudelaire la volonté d'organiser une vision cohérente de correspondances entre la nature et l'esprit, entre l'espace visuel et l'espace « du dedans » entre les images et les sons, entre la peinture et la poésie. L'écriture de
Baudelaire est un lien cohérent fait de paradoxes, de contradictions mais qui toujours s'adaptent « aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. » *
Le Confiteor de l'artiste, le Mauvais vitrier, Les foules, le Gâteau, L'Horloge, La Solitude, Les Yeux des Pauvres ou encore La Corde, Enivrez-vous et le Miroir, sont quelques-uns des poèmes qui m'ont le plus touché dans ce recueil, mais ma préférence va à La Chambre double, portrait saisissant d'un idéaliste déchu, son rêve mis à l'épreuve de la réalité.
« Il n'y a qu'une seconde dans la vie humaine qui ait mission d'annoncer une bonne nouvelle, la bonne nouvelle qui cause à chacun une inexplicable peur. »
Quand le voyageur remontera les rues, les quartiers, les ponts et le cours du fleuve, quand il quittera la capitale, il se souviendra longtemps du nom de
Charles Baudelaire, de sa poésie. Dans sa marche, il se promet secrètement de revenir vers elle.
(*) extrait d'une lettre de
Charles Baudelaire à
Arsène Houssaye, ami du poète, éditeur et directeur littéraire de la Presse.
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