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Critique de Alexein


C'est le seul livre de poésie qui ait aussi durablement fait effet sur moi. C'est un monument comme il n'en existe nul autre.

Lorsque je m'y plonge, je ressens à la fois les sensations d'une descente dans des catacombes et celles d'une élévation mystique. Des semaines plus tard résonnent encore à mes oreilles dans des échos profonds les vers étourdissants de « Harmonie du soir » :
« Valse mélancolique et langoureux vertige !
[…]
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. »
Ce poème me fera toujours frissonner d'une indicible et grisante extase.

Peintre des passions aux vibrations souterraines et du désenchantement sublime, Baudelaire est par excellence l'alchimiste du désespoir. Dans le creuset de son âme, gravité et légèreté s'entremêlent par un subtil et savant dosage. Une solennité secrète ondoie comme des volutes de fumée tout au long de ces pages en même temps que gronde l'animalité entravée secouant ses chaînes. Les profonds cris de révolte et la désespérance qui s'élèvent de ces strophes raffinées leur confèrent une noirceur d'un éclat particulier si fascinant en même temps qu'effrayant.

Il fut un être humilié qui n'eut pas une vie, dit-on, à la mesure de son génie. Mais aurait-il enfanté cette oeuvre s'il eût vécu une autre vie ? Il n'eût pas eu la douleur, la « boue », indispensable à tout artiste digne de ce nom pour produire une oeuvre noble et voulant embrasser l'universel dans la transcendance :
« Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés […]
Je sais que vous gardez une place au Poète
Dans les rangs bienheureux des saintes Légions, […]
Je sais que la douleur est la noblesse unique […]
Imposer tous les temps et tous les univers. »
Bénédiction

La hauteur, la profondeur et la grande variété de ses vues sont impossibles à résumer ici. Elles sont horribles et belles, sombres et lumineuses, contradictoires et pourtant vraies. Elles sont toutes les tendances et les aspirations qui tiraillent et écartèlent l'être humain sur le grand autel de la vie. Ce livre est comme la table de dissection de l'âme du poète sur laquelle nous nous penchons avec inquiétude et excitation, à la fois contents et révulsés de nous y reconnaître.

Baudelaire est le grand poète du XIXe siècle et bien plus : il est le poète qui sut le mieux exprimer cette perception des « […] longs échos qui de loin se confondent/ Dans une ténébreuse et profonde unité » où « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ». Il éclipse pour moi tous les autres. Il s'est imposé dans toute la puissance de sa quête de sublimation. Il a réussi ce que tant d'autres avant et après lui n'ont fait que survoler : il est « descendu » profondément en lui-même et a observé et joui de sa nature pleine et entière. Il en a cultivé les contrastes et concilié les extrêmes. Il en a opéré la synthèse.
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