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Critique de berni_29


Dans Arcadie, la narratrice s'appelle Farah. Elle et ses parents ont poussé les grilles d'une vieille demeure dans le sud de la France, près de la frontière italienne, - Liberty House, alors qu'elle n'avait que six ans. C'est là qu'elle a grandi, entouré des siens, ses parents et sa grand-mère tout d'abord, mais aussi des autres, les membres d'une communauté libertaire pour ne pas dire d'une confrérie. Surtout, ne dites pas secte, car ce serait totalement inexact et cela choquerait ses résidents, à commencer la narratrice...
Il serait réducteur de n'y voir qu'un roman libertaire ou libertin, car dès les premières pages et durant plusieurs chapitres, cela lutine sérieusement dans les coins...
Liberty House est un refuge, un nid, un coin de verdure, un lieu coupé du reste du monde, une zone blanche qui rassemble des gens fragiles, inadaptés au monde extérieur.
Les gens qui vivent ici sont coupés du reste du monde, vivent dans un havre de paix et d'harmonie, vivent nus, font l'amour entre eux sans entrave. Farah, quant à elle, grandit au milieu des arbres, des fleurs et des bêtes alentour, notamment les vaches, - peut-être mon animal préféré après les chats, vous avez déjà vu de près les cils d'une vache ? – les oiseaux, les insectes, les papillons...
Un homme dirige avec charisme le lieu, il s'appelle Arcady. Farah grandit dans l'amour qu'elle porte secrètement pour lui... Ce n'est pas un gourou, on pourrait le croire... C'est autre chose...
Arcady aime autant les hommes que les femmes...
Farah grandit et son corps se transforme. Farah ressemble à une sorte de rencontre entre Farrah Fawcett et Sylvester Stallone. Elle dispose de la force de l'un et de la fragilité de l'autre... Presque une drôle de dame en devenir. Tiens ! Quand j'évoque Sylvester Stallone, je pense souvent à sa maman. Mais oui, car la mère de celle-ci, -donc la grand-mère de Sylvester Stallone, vécut à Brest durant quelques années... Je me souvins qu'en 2009, la maman de Sylvester Stallone, -dont le métier était de lire l'avenir dans les fesses de ses clients, fit un séjour à Brest, rencontra le maire de la ville, toujours encore maire d'ailleurs aujourd'hui, qui spontanément descendit de son bureau à l'accueil lorsque l'hôtesse lui indiqua au téléphone ce message qu'il n'oubliera jamais : « Monsieur le Maire, j'ai ici devant moi une dame qui prétend êyre la mère de Sylvester Stallone et qui souhaiterait s'entretenir avec vous. »
On pourrait sourire, rire de cette communauté en totale contradiction avec les valeurs qu'elle semble prôner...
Et puis, et puis, un événement vient et puis d'autres... À commencer par le surgissement dans le paysage de ce tout jeune migrant érythréen, beau comme Adonis... ayant cheminé dans les Alpes en tongs... Les belles valeurs de cette jolie communauté humaine sauraient-elles accueillir la misère du monde qui vient frapper aux portes de Liberty House ?
Je découvre ici Emmanuelle Bayamack-Tam et son écriture inventive qui m'a enthousiasmé dès le début de ma lecture. Je découvre son ton magnifiquement insolent, irrespectueux contre l'ordre stupide des choses, politiquement incorrect.
Émouvant aussi, car ce roman épris de transgression et de résistance est une très belle histoire d'amour chargée d'humanité.
« C'est bien joli de se faire lutiner, mais je n'aurai pas toujours la chance de tomber sur des amoureux omnivores et pas regardants : si je veux une suite à ce bel été, je dois déterminer si je suis une fille ou un garçon au lieu de rester dans l'indétermination à laquelle mon corps incline irrésistiblement. »
J'ai découvert ici le trouble des émois et des émotions qui façonnent Farah... J'ai découvert son côté vorace, féroce, vers l'amour.
Je me suis heurté à l'opinion publique et sa stupidité. Mais j'ai tant aimé l'irrévérence si élégante et si gracieuse de ce texte.
J'ai tant aimé les personnages si généreux et attachants, à commencer par la narratrice, rebelle, qui ne cède rien, sauf à l'amour.
J'ai tant aimé cheminer dans ce roman et découvrir que son message sublime est celui de la tolérance.
J'ai tant aimé cette ambiguïté sexuelle sur laquelle joue et surfe la narratrice, Farah, surjoue parfois, mais c'est tellement drôle et empli aussi d'émotions, qu'on le lui pardonne...
J'ai brûlé mes doigts dans l'incandescence des pages. J'ai brulé mes yeux dans la lumière des mots et lorsque les larmes me sont venues... J'ai trouvé l'écho du message, du seul message délivré dans ce roman et je l'ai accueilli dans mon coeur fébrile...
Ce seul message d'amour consolatoire et réconfortant qui peut unir les êtres si différents, les uns des autres...
Je referme les pages de ce livre si beau, je referme les grilles de Liberty House. Derrière moi, j'entends encore les voix sublimes et fragiles de ceux qui se sont aimés avec tant d'amour, sans entrave, malgré le cri des hyènes, j'entends des coeurs qui battent comme des battements d'ailes.

Un grand merci à Anna-Choute (@AnnaCan) qui m'a invité à lire ce livre dans le cadre de notre collier de perles littéraires.
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