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Critique de Malaura


Andrée Amour est auteure pour la jeunesse.
Cette femme, née d'un couple mixte pied-noir/algérien à une époque où les « Evénements » faisaient rage, a toujours souffert de ses relations parentales. Grandie entre une mère possessive ultra protectrice et un père à l'absence de tendresse manifeste, Andrée porte en elle une douleur enfouie, celle de n'avoir pu parler et aimer normalement ce père trop distant face à qui elle se sentait invisible, inexistante. Ses parents étant morts depuis de nombreuses années, Andrée sait que le dialogue avec cet homme à la fois admiré et craint est désormais impossible, elle a donc enseveli sa blessure sous un imaginaire des plus fertiles.
C'est ainsi qu'elle a crée Simone, sorte de double d'elle-même, reflet amélioré de sa propre personne, sensé la représenter dans un roman où elle aurait évoqué sa jeunesse en Algérie et dont elle espérait, à travers la rédaction de ses souvenirs, interroger l'être inaccessible qu'avait été Ali Amour, son père.
Alors, est-ce le climat de rupture amoureuse dans lequel elle se débat depuis plusieurs mois avec Hubert son ex ? Est-ce les remarques qu'on lui a faites à maintes reprises sur l'absence de père dans ses ouvrages ? Est-ce l'impossibilité pour elle d'écrire un portrait paternel à la Pagnol pour une revue à thème ?....Toujours est-il, qu'un beau jour, en entrant dans son appartement, Andrée se retrouve nez-à-nez avec ce paternel, mort depuis des années…
Andrée sait que c'est son subconscient qui a fait revenir son géniteur, un fantôme-fantasme pour pouvoir enfin dire ce qu'elle a sur le coeur, affronter cet homme qui l'a fait souffrir par trop de froideur ! Et peut-être aussi recoller les morceaux et transformer l'amertume en une relation filiale apaisée ?
Pourtant elle est anéantie, incapable de faire face à cette apparition.
Son esprit s'embrume, sa conscience est opacifiée par la peur, la douleur, la colère…les digues vont céder !
Simone, le personnage inventé, craint le pire ! C'est qu'elle y habite elle dans l'esprit d'Andrée ! Elle y vit, y évolue, c'est son monde à elle et elle n'a pas envie qu'il soit détruit !
Aussi, pour conserver son espace vital, Simone décide-t-elle de tout mettre en oeuvre pour sauver sa créatrice. Mettant à jour souvenirs, tabous et fantasmes inavoués, déambulant dans cet imaginaire « plus encombré que la caverne d'Ali Baba, plus bruissant qu'une ruche, plus agité qu'une bibliothèque de prêt », Simone va faire en sorte que cet ultime rendez-vous entre un père et sa fille ne soit pas un rendez-vous manqué…

S'il y a plusieurs bonnes petites choses dans ce bref ouvrage de la romancière Michèle Bayard, il y en a une et non des moindres, particulièrement mauvaise ! C'est le choix du titre : « Ali Amour » !
Les éditeurs devraient maintenant savoir l'importance du choix d'un titre pour attirer le lecteur et je ne comprends pas que quiconque, dans l'entourage de cette dame, ne lui ait déconseillé le choix d'un intitulé aussi piteux, aussi ringard, aussi moche !!!
Le titre est le premier capteur de l'attention du lecteur, celui qui va donner le goût de découvrir le quatrième de couverture et enfin de se plonger dans l'ouvrage et s'il ne m'avait été recommandé par les Agents Littéraires, jamais ô grand jamais, mon choix de lecture ne se serait tourné vers un livre porteur d'une telle appellation…
C'est dommage car, pour peu que l'on veuille bien faire abstraction de ce déplorable intitulé, on trouvera dans cet « Ali Amour » des choses plaisantes et une belle inventivité.
L'originalité du récit tient pour beaucoup au personnage de papier crée par Andrée et qui vit dans son imaginaire. Les déambulations de Simone dans l'esprit d'Andrée donnent ainsi lieu à de jolies fantaisies et une liberté pleine d'allant. Comme à l'intérieur d'un rêve, le monde spirituel d'Andrée est peuplé de souvenirs, de morceaux d'histoires lues, de films, de musique ou de spot publicitaires, un fourre-tout foutraque fait de tout ce que la mémoire récolte, un monde où les décors changent en une seconde, où l'on peut rencontrer une princesse ayant perdu sa pantoufle ( !), traverser des sables mouvants en sautant sur des pics rocheux en se prenant pour Super Mario, se faire une séance de cinéma et faire sortir de l'écran le héros du film…Bref, c'est la magie de l'imagination, et Michèle Bayard utilise ce procédé avec l'inclination qu'elle met sans doute à écrire ses romans jeunesse, c'est-à-dire une malice enfantine et tendre.
Plus habituée à écrire pour un jeune public que pour un lectorat adulte, ce premier roman réservé aux « plus grands » conserve également un style un peu « enfant », une puérilité pleine d'entrain et sympathique, mais qui ne comble pas encore toutes les attentes d'un public adulte.
En effet, l'on aurait souhaité davantage de profondeur dans les rapports entre le père et sa fille et plus de réflexion quant à la difficulté d'associer les deux cultures dans la mixité franco-algérienne, thème que la romancière aborde à travers le personnage d'Andrée et l'une des causes des relations difficiles avec le père.
Ce texte de Michèle Bayard se lira donc avec une certaine bienveillance par la jolie vitalité qu'il renferme mais reste néanmoins un livre détente dont le souvenir ne marquera que peu…

Lu pour les Agents Littéraires
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