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Critique de Apoapo


Ce grand classique de la sociologie américaine des années 60 déplace la perspective de l'étude de la violation de la norme – la délinquance – vers un objet plus vaste – la déviance – en opérant deux révolutions méthodologiques. Premièrement, il problématise le point de vue de la création de la norme ainsi que celui de sa mise en application, adoptant ainsi une approche, dite « interactionniste » qui est tripartite : elle prend en compte les motivations des déviants, celles des créateurs de la norme, dits « entrepreneurs de morale » et enfin celles des « agents de la répression » : les interactions entre les comportements de ces trois acteurs sont postulées comme nécessaires à la définition de la déviance. Deuxièmement, la méthode ethnographique est appliquée en sociologie avec l'introduction de l'observation participative, des entretiens non-directifs, l'élaboration de microthéories de portée limitée falsifiables par une seule observation contradictoire.
Par conséquent, il découle une dialectique inédite entre scientificité de la sociologie et morale du sociologue (en tant que spécialiste et en tant que citoyen), laquelle, si elle sera abondamment travaillée notamment par la sociologie critique (entre autres française) à partir des années 70 au point que les péroraisons de principes de ce livre paraissent totalement désuètes aujourd'hui, n'en demeure pas moins très radicale compte tenu du pesant climat intellectuel du maccarthysme dans lequel il fut écrit. de surcroît, Becker développe son analyse de la déviance sur deux terrains qu'il pratique personnellement : les fumeurs de marijuana et les musiciens de « musique de danse » (je suppose, à partir de ce lexème qui est sans doute une traduction bizarre ou un anachronisme, qu'il s'agit de musique pop entre le jazz et la disco).
Cette lecture s'inscrivant pour moi dans le sillon d'une tentative d'approfondissement de la problématique des drogues, cette approche des motivations de la consommation de cannabis d'un point de vue sociologique, conçue comme celle de l'inscription volontaire dans une contre-culture définie déviante par une série de contingences (avant même qu'elle ne revête des implications politiques contestataires) m'a paru globalement intéressante car inhabituelle par rapport à ce que je crois être les explications sociologiques les plus courantes aujourd'hui – sur lesquelles je reviendrai sans doute dans de prochaines lectures. D'autres motifs d'intérêt, qui surgissent spontanément dès lors que les sciences humaines se posent comme but – et comme justification éthique – de démystifier les mécanismes occultés de la domination, sont satisfaits par toute réflexion méthodologique, de toute façon, quelle que soit l'apparence surannée du débat : car en vérité, ce n'est qu'apparence, tout au moins tant qu'il y aura des gens qui affirment que « comprendre, c'est déjà presque excuser » et/ou qui contestent le relativisme éthique...
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