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Critique de KRYSALINE555


Ce livre plein de poésie, de verve, d'innocence mais de violence aussi, c'est l'histoire magnifique que nous conte Yahia Belaskri avec "la vie d'Amray", celui qui commande, qui suit ses propres idées (mais aussi "l'amoureux" en berbère selon Wikipedia)....

Né en Algérie pendant la guerre d'indépendance au sein d'une famille nombreuse, son père (qui a fait deux guerres sous les drapeaux français puis enfin celle pour son pays) a 60 ans quand sa mère en a 37. Mariée sans amour à 13 ans, celle-ci n'a pas son mot à dire. Elle est destinée à assurer la descendance et servir son mari. Elle aura de nombreuses fausses couches, d'autres parviendront à survivre, mais Amray restera toujours le "préféré" de la famille jusqu'à son dernier souffle.

Amray dans ce livre parle plus volontiers de ses ami(e)s que de sa fratrie. Il nommera vaguement quelques soeurs, quelques frères et s'attardera un peu sur l'histoire de ses parents mais surtout restera proche de sa mère jusqu'au bout, même en "exil". Il se reprochera cependant d'arriver toujours "trop tard": pour la mort de son père, de sa mère, celle de ses frères et de ses soeurs. Il sera celui qui arrive "après" les évènements... Il aura pourtant à coeur de porter toujours hommage aux uns et aux autres.

Alors, quoique jamais nommée, L'Algérie flamboie ici, de toutes ses lumières, de toutes ses images, de toutes ses odeurs et de toutes ses couleurs.

Une Algérie transcendée par la douceur et la fraîcheur du récit: Amray alors enfant, ne perçoit pas toute l'étendue des ravages de la guerre. Il la survole - il n'a alors que 10 ans en 62- avec ses yeux d'enfants et ne perçoit ses effets que lorsque ses amis, Shlomo et Paquito ne réapparaissent plus en début d'année et qu'Octavia finisse elle-aussi par s'en aller. Il comprendra qu'une partie de son passé est alors révolu mais sans pour autant en saisir la raison.

On ne voit donc pas vraiment les violences, les arrestations, les combats, la déchirure des premiers départs; on les devine seulement et c'est ce qui fait toute la force du récit. C'est seulement quand Octavia, restée plus tard que les autres, sera insultée et traitée "d'étrangère" à l'école par ses propres camarades de classe et qu'elle quittera à jamais ce sol qui l'a pourtant vu naitre ainsi que ses parents qu'Amray comprendra que "rien ne sera plus comme avant" et que tout est définitivement bouleversé.

Bien plus tard, devenu un homme, après s'être instruit en parti par lui-même, c'est face à l'intégrisme montant qu'il devra faire face: fanatisme religieux mais aussi dictature naissante. Traité lui aussi "d'étranger" car il aura dû quitter son village pour travailler "à la ville", il finira par ne plus comprendre le monde dans lequel il vit.

Il ira travailler de ville en ville, puis devenu mari et père, Il finira par se réfugier alors dans la mythologie, L Histoire passée, ses souvenirs et sa rêverie. Seul son ami Anzar le suivra et, à la fin et sans préavis c'est lui qui terminera l'histoire. le terme de ce récit reste d'ailleurs pour moi des plus mystérieux. Je ne sais si Amray devient fou ou non ou s'il rêve simplement son pays comme il ne le sera jamais plus, entre réalité et nostalgie.

Cette ode à la liberté, de geste et de pensée, écrit à la première personne du singulier présent, est néanmoins ponctuée de quelques pages "d'histoire": celle de l'Algérie, de la Kahina, d'Abd-el-Kader ou de Saint Augustin. Bref un beau récit, majestueux, fier, digne et droit: entier en somme, tout comme l'est le personnage d'Amray, amoureux des mots, de la vie, de son pays, épris de justice et de liberté.
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