Citations sur Après Badiou (20)
Pour ne pas tourner trois paragraphes autour du pot de chambre : ma conception de l’événement se démarque entièrement de celle de Badiou, bien plus encore que de celles de Heidegger et Deleuze.
Ah ! L’humour de Badiou ! Voilà ce que la plus bienveillante des postérités ne pardonnera pas. La lourdeur de ses plaisanteries, qu’on croirait revenues des heures entières à la graisse de canard. L’insoutenable épaisseur des blagues hétéro-beauf de son théâtre.
Le génie de Lacan aura consisté, en plus de l’ampleur « Pavarotti » de son coffre proprement spéculatif, à proposer un type d’enseignement inouï, idiosyncratique, ne devant rien aux méthodes éprouvées auparavant, en particulier aux méthodes universitaires académisées.
[…] malgré son antisémitisme de buveur de bière, le génie historique de Luther aura été de ressaisir l’origine juive du monothéisme en brandissant contre Rome que le péché originel et lui seul est ce qui unifie l’espèce humaine en Sujet.
[…] pourquoi l’angoisse est, par définition, la peur de celui qui ne vit presque rien de son environnement matériel immédiat, mais de la conscience intelligible de vivre dans un réseau qui excède de toutes parts son milieu « animal » au sens strict.
Si toute la séquence dont nous cernons l’enjeu commence avec Kant et Rousseau, Sade et Goya, la Terreur et l’installation techno-capitaliste sans reste, cela veut dire aussi que, s’il y a pressentiment, hors Schelling et Schürmann, de la question du Mal dans la négativité hégélienne, le rapport de production marxien, le « pessimisme philosophique » dix-neuvièmiste dont le nom le plus haut est Schopenhauer, le nihilisme de Nietzsche, la pulsion de mort freudienne, etc., presque jamais la question du Mal n’est conceptualisée comme telle.
[…] Alain Badiou a remis à l’ordre du jour, avec génie, et contre l’intégralité de la scolastique épistémologique anglo-saxonne, l’étonnement quant à l’existence de vérités mathématiques éternelles, se confondant selon lui avec l’étonnement ontologique même.
Quand untel reproche à Deleuze de "mal écrire", c'est qu'il ne comprend rien au concept: l'écriture de Deleuze est toute entière au service du mouvement conceptuel, le plus ample - au niveau, disons, des harmoniques -, de toutes les créations philosophiques importantes du vingtième siècle. Ceux qui lui reprochent de mal écrire sont ceux qui ne savent tout simplement pas lire la philosophie, et donc n'y comprennent rien, en général.
Schelling est tenu pour le prototype du grand philosophe ésotérico-spéculatif illisible.
Schelling est un philosophe passionnant pour ça, c'est-à-dire sous ce rapport d'une pensée en exception à la fois du monumentalisme philosophique "positif" (Platon, théologie médiévale, Hégel, Badiou) et des philosophies de la Nature (Aristote, Spinoza, Whitehead, Bergson, Deleuze) : Il y a du Sujet, le Mal le prouve. C'est l'axiome absolument original de Schelling. Il n'est pas question ici de détailler la sophistication "bachique" de sa métaphysique; nous renvoyons à sa lecture, et aussi à l’exégèse grandiose de Zizek.