L'histoire est simple en apparence : en pays arabe, un père propriétaire de nombreux biens n'a eu que des filles. Moqués par ses deux frères qui espèrent bien hériter de lui, il désespère d'engendrer un fils. Lorsque sa femme est de nouveau (et pour la dernière fois) enceinte, il décide que cet enfant sera un fils, quel que soit son sexe. La sage-femme est dans la confidence et, quand l'enfant vient à naître, elle est seule dans la chambre à découvrir le véritable sexe de l'enfant, avant de clamer partout qu'enfin est né un fils. L'enfant sera donc élevée comme un garçon, puis comme un homme, l'héritier de sa famille, appelé à commander aux femmes et aux domestiques.
Comment l'enfant grandit-elle ? Il faut pourtant bien cacher ce corps qui prend formes, éponger les rougeurs mensuelles, rendre sa voix plus grave afin de maintenir l'illusion. Comment va-t-elle assumer cette virilité qui n'est pas la sienne ?
Car la jeune femme, poussée dans la logique de sa famille, décide de prendre femme. Et on ne sait si elle le fait par perversité, par vengeance contre ses parents, qui ne sauraient s'opposer à ce projet sans en révéler l'embarras, ou pour pousser l'expérience à son terme. de ces expériences traumatisantes que lui reste-t-il, si ce n'est le regard baissé de ses soeurs qui lui obéissent aveuglément, l'amertume de comprendre que sa vie repose sur un mensonge et que son avenir est forcément vide. Dans cette solitude extrême où elle s'enferme lui parviennent des lettres d'un inconnu, un ami, qu'elle n'a jamais rencontré, mais qui connait son secret et le préserve, tout en l'épaulant. Chose étrange, on ne parvient pas à savoir si cet inconnu existe réellement et on se demande par moment si elle ne s'écrit pas elle-même ces courriers qui l'apaisent, dans des accès de schizophrénie qui la dédoublent : elle est homme et femme. On ne connaît rien de son destin, car le roman reste inachevé.
La structure est complexe. Par qui est racontée cette histoire, qui se présente comme une légende ? Car c'est autant le destin de cet être destiné à être homme qui importe dans la narration que les voix qui le racontent. Cela commence avec un vieux conteur qui, lors de veillées, rapporte ou construit cette histoire. Mais il est un jour repris par un de ses auditeurs qui brandit un cahier, le journal intime de
l'enfant de sable affirme-t-il, et prend le relais dans la narration. Un soir, le récit s'arrête et les auditeurs s'interrogent sur l'avenir de la jeune femme. C'est alors que trois d'entre eux décident de raconter ce qui lui est arrivé, chacun à leur manière. Et l'on comprend que cette vie, si elle était réelle, n'est plus qu'une fable à conter et à s'approprier.
C'est justement à ce moment que je décroche du roman, assez tardivement finalement, car ces incertitudes et ces chamailleries ne sont pas ce que j'attends de ce livre. Je veux savoir ce qu'est devenu ce personnage qui aurait peut-être tout abandonné tout devenir femme, véritablement. le roman ne répond pas à ces interrogations.